Vous êtes ici
Vol. 33-2 – 2011
Numéro régulier
Anthropologists have stressed the relationship between symptoms of distress, ritual action and unwanted possession. The article stresses the importance of language and performance in two therapeutic cults in India. The crucial issue here involves showing how ritual becomes a means for either representing or manipulating special mental states. We see how individuals may use possession as a strategy to frame a reformulation of the self. Healing thus involves self-awareness.
Les anthropologues ont souligné les relations qui existent entre les symptômes de souffrance, l’action rituelle et la possession involontaire. Cet article montre l’importance du langage et de la ritualisation dans deux cultes thérapeutiques de l’Inde. Le point crucial ici consiste à montrer comment le rite permet de représenter et de manipuler des états mentaux. Nous voyons comment des individus utilisent la possession pour reformuler leur rapport à eux-mêmes. La thérapie implique donc une prise de conscience de soi.
Alors que leur synagogue reste close presque toute l’année, qu’un programme immobilier les menace d’expropriation, qu’ils sont toujours trop peu nombreux à se sentir concernés, comment les membres de la communauté juive de Tarbes conçoivent-ils le devenir de leur présence ? La synagogue raconte la fragilité de ce groupe qui ne veut pas abandonner et tente de maintenir un projet dans son espace. L’article vise à repérer la gamme des positions adoptées en commun ou en privé, appuyées sur quelques aspects, ici mis en relief, de l’appartenance au judaïsme. De l’indignation à la résignation en passant par la nostalgie, on prétend encore s’animer dans un projet de synagogue, même si la ténacité peut ralentir un possible redéploiement.
Given that their synagogue remains closed almost all year, that a real estate program threatens them with expropriation and that they are still too few in number to feel affected, how do the members of the Jewish community of Tarbes perceive their future? The synagogue tells the story of the fragility of this group which does not want to give up and tries to carry on a project in its space. The article seeks to identify the range of positions, adopted communally or individually, based on some aspects of their membership in Judaism, which are highlighted here. From indignation to resignation, with some reference to nostalgia, it is claimed there is still interest in a synagogue project, even if tenacity is capable of slowing down a possible relocation.
Belonging is important in Newfoundland and Labrador but with its long history of patrilocality, where and to whom have women belonged? Here we consider how women who married into new families and communities in the Placentia Bay area of the province over a fifty year period (1943-1993) negotiated a place for themselves. The women, sometimes in complicity with their mothers-in-law, managed to create physical and social space through a variety of informal strategies, from managing gossip to creating a separate living space in their in-laws’ home. Some wives eventually developed a sense of belonging while others were never able to shake off their status as strangers and always felt like outsiders.
Le sentiment d’appartenance à Terre-Neuve et au Labrador est un phénomène qui s’impose dans une tradition de patrilocalité : à qui et à quel territoire les femmes appartiennent-elles ? Cet article traite de la situation des femmes qui sont intégrées à de nouvelles familles et de nouvelles communautés dans la région de Placentia Bay sur une période de 50 ans (1943-1993), alors qu’elles doivent négocier leur place dans la communauté. Ces femmes, quelquefois de connivence avec leur belle-mère, réussissent à créer un espace physique et social par le biais de stratégies informelles. Certaines épouses développent éventuellement un sentiment d’appartenance, alors que d’autres ne franchissent jamais le statut d’étrangères.
Cet article traite du lien qui existe entre les habitudes alimentaires et les discours normatifs sur l’alimentation. La notion d’équilibre est le point central autour duquel s’organise l’opposition entre plaisir et contrôle. Les conclusions tirées de cet article proviennent d’une série d’entretiens menés auprès d’individus qui font de l’entraînement physique sur une base régulière. Pour eux, l’équilibre s’obtient par les pratiques alimentaires, mais surtout par la mise en œuvre du dosage entre plaisir et contrôle. Selon l’auteur, le lien social est la pierre angulaire de cet équilibre et son analyse l’amène à postuler qu’une propension forte au contrôle semble déranger le fonctionnement relationnel, exposant ainsi le mangeur à l’isolement et à la stigmatisation. C’est dans cet horizon que se dessine la frontière entre le normal et le pathologique.
This article deals with the link between eating habits and the prescriptive discourse on nutrition. The notion of balance serves as the pivotal point for all the opposition between pleasure and control. The conclusions drawn in this article stem from a series of dialogues with persons who do physical training on a regular basis. For them, balance comes from eating habits, but especially from the measured application of both pleasure and control. According to the author, the social link is the cornerstone of this balance and analyzing it leads her to propose that a strong inclination toward control seems to disturb relational functioning thus exposing the eater to isolation and stigmatization. It is in this sphere where the borders emerge between the normal and the pathological.
Dans la consultation d’acupuncture, les aiguilles remplacent les médicaments du médecin allopathe. Ainsi, le traitement n’est pas différé, mais s’effectue plutôt sur-le-champ. Dans ces conditions, quelle est la place accordée au corps, à la parole du malade et à ses émotions dans la construction de « sa maladie » ? Quels en sont les impacts pour sa prise en charge thérapeutique ? Cette médecine propose-t- elle un autre modèle de mise en récit des maux et de la maladie ? Au-delà des résultats mêmes de l’étude, cet article tente d’évaluer l’impact du dispositif filmique comme mode de connaissance anthropologique ainsi que les possibilités heuristiques qu’offre le film pour une anthropologie des pratiques thérapeutiques en situation clinique. Nous essaierons ainsi d’aller plus loin dans ce domaine de l’anthropologie visuelle, encore peu exploré.
In a medical consultation where the treatment is not postponed but is rather made on «the spot,» where the needles of the acupuncturist replace the medical doctor’s medicines, what is the place granted to the body, to the word of the patient and to his emotions in the construction of «his disease» and what are the impacts for his therapeutic care? Does this medical practise propose another model of narrative of the troubles and the disease? Beyond the results of the study themselves, this article tries to assess the impact of the film making as a mode of anthropological knowledge as well as the heuristics possibilities that film offers for an anthropology of the therapeutic practices in a clinical context. We shall endeavour to go further in this field of visual anthropology which remains still largely uninvestigated.
Le Rara de Léogâne, une pratique rituelle des collectivités haïtiennes, a fait l’objet de plusieurs réaménagements au fil des évolutions sociétales. Les événements composés de musiques, de danses et de processus ritualisés sont organisés en bande et dirigés par des chefs. Ce sont eux qui, les premiers, ont changé l’image de cette pratique hautement culturelle à l’occasion du premier festival de Rara, qui a eu lieu en 1992. L’étude de leurs communications avec les médias lors de ce premier événement centralisateur démontre une médiation culturelle auprès du public qui a été appuyée par l’ensemble des acteurs de la gouvernance sociale, la mairie, la députation et le ministère de la Culture. L’auteur, dans cet article, se questionne sur les processus qui ont fait du Rara un patrimoine identitaire territorial et met en lumière l’importance de la potentialité touristique de l’événement, qui s’impose en tant que ressource de développement dans une zone ravagée par des confrontations humaines et des catastrophes naturelles répétées.
The Rara of Léogâne, a ritual practice in Haitian communities, has been the subject of several reworkings in the course of social evolution. The events made up of music, dance and ritual procedures are organized as a group and orchestrated by leaders. It is they who first changed the image of this unique cultural practice at the first Rara Festival in 1992. The study of their communications with the media at the time of this first consolidating event, shows a cultural mediation in connection with the public, which found support on the part of all the players in social governance, the mayor’s office, members of parliament and the Ministry of Culture. In his article, the author muses about the processes which have conveyed on Rara a territorial heritage of identity, and he brings to light the importance of the tourist potential latent in this event as a developmental resource in an area torn apart by repeated human confrontations and natural disasters.
In the past and to some extent the present, various Euro North American and other cultural groups marked the period from Christmas Eve to Twelfth Night with rowdy, disguised, playful/ludic or carnivalesque behaviour that mainstream Euro North Americans associate more with Halloween than with this holiday season. Many such customs, termed the “informal house visit” involve a group (usually young men) who perambulate from one location to another within a community. They include performative aspects–often dancing and singing–as well as the expectation of a reward–usually food and/or drink–and some sociability with the visited household members. A seasonal custom performed by young men, almost always on New Year’s Eve, in rural Manitoba Mennonite villages where the church tolerated it, Brommtopp is named after the musical instrument used during the performance. Traditionally a group of some dozen teenaged boys and young married men would drive and/or walk from house to house within their own village and sometimes beyond. At each residence, the group would sing the traditional song which generally asked for money in return for good wishes. We examine the sociohistorical surround of the practice and its past and current racialised and postcolonial implications.
Dans les temps anciens, et encore aujourd’hui, plusieurs groupes culturels, dont les Euro-Nord-Américains, ont marqué la période comprise entre la veille de Noël et le jour des Rois par des déguisements, des comportements turbulents, enjoués, ludiques ou carnavalesques. Les Nord-Américains ont tendance à associer ces festivités à l’Halloween plutôt qu’à la période des Fêtes. Beaucoup de ces coutumes présentent un groupe (habituellement, des jeunes gens) qui se promène d’une place à l’autre à l’intérieur d’une communauté. L’événement inclut des aspects de performance – souvent une danse et des chants – ainsi que l’attente d’une récompense – en général de la nourriture ou de la boisson – et un accueil agréable de la part des membres de la famille visitée. Le Brommtopp, une coutume saisonnière observée par de jeunes hommes presque toujours à la veille du Nouvel An, dans les villages mennonites reculés du Manitoba où elle était tolérée par l’Église, prend le nom de l’instrument de musique employé pendant la performance. Selon la tradition, un groupe d’environ une douzaine d’adolescents et de jeunes maris allait en voiture ou à pied de maison en maison dans son propre village et parfois dans d’autres. À chaque résidence, le groupe entonnait le chant traditionnel et demandait, souvent, de l’argent en échange de bons souhaits. L’ouvrage examine le contexte sociohistorique de cette pratique ainsi que ses répercussions passées et présentes.
This article will discuss the concept of musical ownership and copyright in the Cape Breton fiddling tradition. Intellectual property rights have become an increasingly important issue in recent years and represent an intersection between the commercial music industry and vernacular tradition. As such, the way boundaries are constructed in regard to repertoire and ownership is subject to debate. On one hand, some discourses favor the rights of the individual, arguing that intellectual property should be protected, acknowledged and subject to financial compensation. Other perspectives favor the rights and needs of the community, valuing free exchange.
Cet article discutera la propriété musicale et le droit d’auteur des violoneux traditionnels de Cap Breton. La propriété intellectuelle est devenue une préoccupation de plus en plus centrale ces dernières années. Elle marque une différence entre l’industrie de la musique commerciale et la tradition vernaculaire. De fait, la manière dont le répertoire et la propriété sont construits est sujette à débats. D’un côté, certains discours favorisent le droit des individus en affirmant que la propriété intellectuelle devrait être protégée, reconnue et rémunérée. D’autres perspectives favorisent de leur côté les droits et les besoins de la communauté et valorisent plutôt la gratuité des échanges.
Gnawa Diffusion was a successful musical group of first- and second-generation North African immigrants that achieved significant fame in North Africa, the Middle East and Europe during the last two decades. Based in France, though from Algeria, their politicized egalitarian message reached the world. Their musical skills, instrumentation, tastes and appeal to youth sounds, sentiments and meanings gave their globalized music a prominent place on the global stage. In their work Gnawa Diffusion addressed a panoply of political issues and sought to represent and reach their audience. Their greatest popularity came at the height and conclusion of the Algerian civil war. By parsing the meanings of the band’s name, this paper engages the events and cultures that informed Gnawa Diffusion, exploring the history of the Gnawa, the history of Algeria, and the relationships between France, North Africa and contemporary “French” music. Issues of cultural authenticity and representation are tightly layered within the band’s purposes and process of artistic production. Because Gnawa Diffusion was envisioned, organized and led by Amazigh Kateb Yassin, and because the band and media recognized him as the spokesperson and principal author for Gnawa Diffusion, Amazigh’s life story and words accompany this paper’s arguments and analysis. Through a selective sketch of the various musical consequences of the North African slave trade, the spread of Islam, the colonization of North Africa and the immigration of Algerians to France, we can begin to comprehend how these histories combined and harmonized through Gnawa Diffusion to form the new musical forms of a generation of people who seek to overcome their often divisive cultural heritage. In this case, the intent of the music challenges common notions of authenticity and thereby affirms it.
Gnawa Diffusion est un groupe musical à succès de première et de seconde génération d’immigrants d’Afrique du Nord, qui a atteint une importante renommée en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe au cours des deux dernières décennies. Ses membres sont établis en France, mais d’origine Algérienne. Leur message politisé et égalitaire a atteint le monde entier. L’habileté des musiciens, leurs instrumentations, leurs goûts et le message qu’ils envoient à la jeunesse ont porté leur musique sur la scène mondiale. Dans son travail, Gnawa Diffusion soulève une panoplie de questions politiques et cherche à représenter son public. Sa popularité a atteint des sommets au plus fort de la guerre civile algérienne. En analysant l’origine du nom du groupe, ce document retrace les événements et les cultures qui ont influencé Gnawa Diffusion, en explorant l’histoire des Gnaoua, l’histoire de l’Algérie, les relations entre la France et l’Afrique du Nord et la musique contemporaine française. Les questions de l’identité culturelle et de la représentation sont étroitement superposées aux intentions du groupe et au processus de production artistique. Parce que Gnawa Diffusion a été pensé et conçu par Amazigh Kateb Yassine, et parce que ce dernier a été reconnu comme le porte-parole et le principal auteur de Gnawa Diffusion, sa vie et ses mots accompagnent l’analyse de ce journal. L’étude des conséquences de la traite négrière d’Afrique du Nord, de la propagation de l’islam, de la colonisation de l’Afrique du Nord et de l’immigration algérienne en France nous permet de comprendre comment Gnawa Diffusion a su créer la nouvelle musique d’une génération qui cherche à surmonter les divisions héritées culturellement. Dans ce cas-ci, la musique défie les notions communes d’authenticité, ce qui transparaît dans les performances du groupe.