Déclaration canadienne pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

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Adoptée à Québec le 20 mai 2016

Préambule

Quelque 200 personnes se sont réunies à l’Université Laval dans la ville de Québec (Canada) du 19 au 22 mai 2016, sur l’invitation de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique (CRCPE), de l’Institut du patrimoine culturel (IPAC), du Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT) de l’Université Laval, de la Société québécoise d’ethnologie (SQE) et du Réseau canadien pour le patrimoine culturel immatériel (RCPCI), à l’occasion de la réunion annuelle de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore (ACEF) et de la Société canadienne pour les traditions musicales (SCTM) - soit les deux principales sociétés d’étude canadiennes oeuvrant dans le domaine du patrimoine culturel immatériel - pour célébrer le 10e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, aujourd’hui ratifiée par 168 des 196 Etats membres de l’UNESCO. Le colloque, soutenu par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCU), l’Université Laval et l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM) a été inauguré par la Conférence d’honneur de Timothy Curtis, Secrétaire de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et Chef de la Section du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Les participants, provenant de la société civile, du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, des Premières Nations, de 32 musées et ONG dans le domaine du patrimoine, de 7 des 13 provinces et territoires du Canada et de 21 universités canadiennes, adoptent la présente Déclaration de principes et de recommandations destinée à la sauvegarde, à l’étude, à la mise en valeur et à la promotion au Canada du patrimoine culturel immatériel (ci-après « PCI »). Selon la Convention de l’UNESCO, le patrimoine culturel immatériel comprend les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les pratiques rituelles et festives, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers, et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. Le PCI est envisagé comme un moyen novateur et efficace de soutenir la diversité culturelle, la créativité humaine et le développement durable à travers le monde.

Cette Déclaration s’inscrit dans une longue histoire de sauvegarde, d’étude et de mise en valeur du patrimoine culturel immatériel au Canada et aussi dans une série de mesures et d’actions spécifiques entreprises depuis plusieurs années par la CRCPE, le RCPCI, l’ACEF et la SCTM pour sauvegarder et promouvoir le patrimoine culturel immatériel. Créé en 2013, le RCPCI, qui regroupe des membres de toutes les régions du pays ainsi que des membres actifs de l’ACEF, de la SCTM et de la Commission canadienne pour l’UNESCO, a participé la même année à un Symposium organisé par l’Association des musées de l’Alberta à Edmonton sur les usages du PCI dans les musées. Le Réseau a organisé une journée d’étude le 3 juin 2015 au Musée canadien de l’histoire avec le soutien de la Commission canadienne pour l’UNESCO destinée à faire le point sur le travail mené au Canada en matière de patrimoine culturel immatériel. La cinquantaine de participants a recommandé la tenue d’un colloque et la conduite d’un sondage national pour identifier les organismes en patrimoine, tant matériel qu’immatériel, sonder leur intérêt pour le patrimoine immatériel, connaître leurs aspirations en la matière et recueillir leur avis quant à la signature de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Mené par la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique de l’Université Laval, l’ACEF et le RCPCI, le sondage s’est adressé à quelque 842 organismes au Canada et a reçu 307 réponses. La vaste majorité des répondants a manifesté un vif intérêt pour ce patrimoine et a signifié son utilité, qu’ils relèvent du domaine du patrimoine matériel ou immatériel. Qui plus est, 80% des organismes sont favorables à la ratification de la Convention par le Canada, 19% sont indécis et seulement 1% est contre. Les Canadiens expriment donc une forte volonté de sauvegarder le patrimoine immatériel et de s’engager dans la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du PCI[i].

Les participants de ce colloque adressent la présente Déclaration à tous les gouvernements, aux organisations intergouvernementales, aux autorités nationales et locales ainsi qu’aux institutions et aux spécialistes aptes à contribuer par la législation, par les pratiques, par les politiques de planification ainsi que par la gestion à une meilleure sauvegarde et promotion du patrimoine culturel immatériel.

Recommandations

1. Compte tenu de l’ancienneté et de l’intérêt étendu et grandissant pour le patrimoine culturel immatériel dans tous les milieux du patrimoine au Canada, tel que l’a clairement démontré le sondage national sur le patrimoine immatériel mené par la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique, l’ACEF et le RCPCI et le grand enthousiasme suscité par ce colloque partout au Canada, considérant que la Convention permet d’offrir une reconnaissance et une protection accrues du patrimoine culturel immatériel et d’assurer la participation active des Canadiens à la Convention, considérant que le PCI est fragile et menacé car porté par des personnes, considérant aussi que le PCI est un moyen efficace de préserver la diversité culturelle et de contribuer au développement durable, considérant enfin que l’ACEF (ACEF) devient la première ONG pancanadienne accréditée par l'UNESCO à des fins consultatives, nous demandons au gouvernement du Canada de signer en 2017 la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO comme un legs du Gouvernement du Canada aux Canadiens lors des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération.

2. Étant donné qu’il n’existe actuellement pas au Canada, ni dans les provinces et les territoires, à l’exception du Québec et de Terre-Neuve, de politiques et de cadre de protection juridique du patrimoine culturel immatériel, nous encourageons fortement le gouvernement du Canada, des provinces, des territoires et les municipalités à développer des politiques et à adopter de nouvelles lois destinées à la sauvegarde, à la recherche et à la transmission du patrimoine culturel immatériel.

3. Etant donné que les changements climatiques, le tourisme de masse, et le développement urbain conduisent à des transformations et des ruptures dans la société, il est impératif de mieux comprendre les menaces afin d’adopter des mesures préventives et de planifier des solutions durables, selon le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Nous recommandons que les organisations gouvernementales et non gouvernementales, les associations patrimoniales locales et régionales, développent des plans stratégiques à long terme pour mieux protéger et développer le patrimoine culturel immatériel en étroite collaboration avec la communauté des  chercheurs scientifiques en patrimoine immatériel et les experts en diversité culturelle et en développement durable. De même, les habitants ainsi que les autorités locales doivent être sensibilisés à sa sauvegarde pour développer un sentiment d’appartenance fort et faire face aux menaces dues aux transformations du monde actuel.

4. Considérant que les nouvelles technologies (bases de données numériques, sites web, applications mobiles) permettent de constituer rapidement et efficacement des inventaires multimédias en ligne et des outils de transmission et de médiation du patrimoine culturel immatériel, nous recommandons leur utilisation pour mieux conserver, identifier, étudier et diffuser ce patrimoine. Ces technologies facilitent le renouvellement constant des connaissances et la transmission du patrimoine culturel immatériel.

5. Reconnaissant que le patrimoine culturel immatériel est transmis essentiellement par des personnes et que la transmission participe activement à sa sauvegarde, nous déclarons que la participation des communautés est essentielle à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

6. Reconnaissant que la transmission intergénérationnelle et que la transmission transculturelle sont des composantes importantes à la sauvegarde, à la recréation et à la diffusion du patrimoine culturel immatériel, nous recommandons l’association et la participation des jeunes générations et des différents groupes culturels concernés à l’élaboration de politiques et à la gestion du patrimoine culturel immatériel.

7. Considérant les menaces élevées envers le patrimoine culturel immatériel chez les groupes autochtones et les recommandations du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, nous recommandons que des politiques et des mesures de sauvegarde soient développées en priorité et en consultation avec les peuples autochtones.

 

[i] Voir la synthèse des résultats de ce sondage sur le site web de l’ACEF/FSAC : http://www.acef-fsac.ulaval.ca/

Pour plus d’information : Laurier Turgeon, Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique, Université Laval, Québec, Membre de la Commission Canadienne pour l’UNESCO et Vice-Président de la Société québécoise d’ethnologie (Laurier.Turgeon@hst.ulaval.ca)