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Vol. 23-1 – 2001
Regular Issue
Récemment, une de mes collègues nous a fait le compte rendu d’une étude selon laquelle les personnes qui passent au moins une heure par jour seules sont plus productives, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel, que celles qui se trouvent constamment en présence d’autres personnes. Voilà qui, je présume, pourrait laisser perplexes les anciens collègues avec lesquels j’ai travaillé lorsque j’étais directrice des résidences dans un petit collège de l’University of Waterloo, à la fin des années 1980. Lors de la retraite annuelle des assistants travaillant aux résidences, il fut longuement question des risques de suicide chez les jeunes qui se trouvent loin de la maison pour la première fois et qui sont perpétuellement stressés par les exigences élevées en matière de succès de l’université. Le message qui était envoyé par les conseillers et les prêtres qui dirigeaient nos séances était le suivant : le travail d’un assistant de résidence consiste essentiellement à maintenir actifs et sociables les femmes et les hommes vivant sur les étages dont ils avaient la charge. Nous devions nous préoccuper, nous disait-on, des personnes qui passaient du temps seules dans leur chambre. Lorsque j’ai riposté que, personnellement, je m’inquiétais plutôt des personnes qui ne passaient jamais de temps seules dans leur chambre, qui évitaient les occasions de réflexion et de méditation, mes commentaires ont d’abord donné lieu à des regards vides de confusion, avant d’être vigoureusement rejetés.
Il était clair que, pour ce groupe de dynamiques assistants de résidence du premier cycle — autant que pour les professionnels qui encadraient leur travail — le fait même de vouloir être seul était l’indice d’une pathologie. Nous avons eu la chance, pendant les années où j’ai été directrice, de ne compter aucun suicide aux résidences, et j’ignore si, en fin de compte, les assistants de résidence, déjà occupés par leur propre travail, ont vraiment fait le nécessaire pour empêcher toutes activités solitaires. Toutefois, la mise en place de ce processus m’a rappelé que le panoptique, si brillamment conceptualisé par Michel Foucault (1977), existe dans bon nombre d’institutions — et pas seulement en prison. Peut-être que l’obsession de vouloir maintenir les étudiants dans une constante sociabilité n’est pas véritablement liée à leur santé mentale personnelle. Au fond, elle a peut-être plutôt pour objet ce que peuvent faire les individus derrières ces portes closes, loin du regard et de la surveillance d’autres personnes. L’ensemble des pratiques solitaires comprend non seulement le suicide, mais aussi d’autres péchés odieux de la société contemporaine européenne et nord-américaine, comme la consommation de drogues, l’alcoolisme (quelqu’un qui boit seul est, par définition, presque un alcoolique) et la masturbation. Une personne en santé n’adopterait certainement pas des comportements de ce genre, s’il faut en croire la norme en matière de culture. Il est bon d’être sociable, mauvais d’être solitaire.
La sociabilité et l’activité collective tiennent une place si importante pour les Européens et les Nord-Américains qu’ils élaborent même des définitions et des pratiques disciplinaires universitaires sur ces questions. Les manuels d’introduction à l’anthropologie soutiennent, par exemple, que la culture constitue « un mode de vie commun qui comprend les produits matériels, les valeurs, les croyances et les normes qui sont transmises à l’intérieur d’une société particulière de génération en génération » (Scupin et Decorse 2001 : 599)2. La culture populaire elle-même est souvent définie en termes matériels : « Aujourd’hui, les textes de la culture populaire sont non seulement vus comme les réalisations d’une mesure normative, mais aussi comme émergeant, comme le produit d’une réaction complexe de ressources communicationnelles, d’objectifs sociaux, de compétences individuelles, de règles de base communautaires en matière de performance et de structures d’événement culturellement définis. » (Bauman 1992: 33).
Ce n’est que récemment que les ethnologues, les anthropologues et les folkloristes ont commencé à concevoir la culture comme quelque chose qui existe dans la pensée, au-delà des pratiques sociales et matérielles. Des notions comme celle de « communauté imaginée », développée par Benedict Anderson (1991), ont le pouvoir de modifier fondamentalement la manière dont nos disciplines, l’ethnologie et l’anthropologie, appréhendent la culture. Il n’est pas surprenant de constater que beaucoup de nouvelles idées proviennent non pas de l’anthropologie et de l’ethnologie, pas plus que des théorisations féministes, mais plutôt des personnes chez lesquelles la marginalisation a pour effet d’affiner les « connaissances situées » et les « perspectives partiales » (Haraway 1988). Parmi ces connaissances de l’intérieur, on trouve la « queer theory », selon laquelle le sexe et la sexualité sont performatifs (Butler 1990), mais aussi intrinsèquement et analytiquement centraux (Doty 1993) ; d’après les concepts féministes afro-américains, d’une part, le silence n’est pas synonyme que d’assentiment mais aussi de résistance (bell hooks 1990) et, d’autre part, la liberté d’esprit pourrait être utile à la libération (Collins 1990).
Il importe en outre de remarquer que la reconnaissance même de l’existence des connaissances partiales — partiales dans le sens non seulement de partiel mais aussi d’intérêt, voire de penchant — suppose que nos disciplines doivent rejeter ce qui a déjà constitué leurs fondements épistémologiques. La connaissance objective est impossible. Le Soi n’est pas moins culturel que l’Autre. La restriction selon laquelle les chercheurs de terrain doivent passer au moins trois mois dans un pays du tiers monde3 afin de faire l’expérience de l’étrangeté de l’Autre primitif sauvage devient encore plus risible qu’au temps du passé colonial où se développait l’anthropologie, soit vers la fin du XIXe siècle. Sans faire l’expérience de la dissonance cognitive ou sans recourir à une identité consciemment fragmentée, les gens peuvent être des observateurs aussi bien que des participants, des gens marginalisés aussi bien que « normaux », des rebelles aussi bien que des conformistes. Les « querelles verbales des frontières » dont fait état Roger Abrahams (1981) dans son inoubliable théorie sont beaucoup plus communes que les théoriciens pourraient l’avoir cru lors de la première publication de ses travaux.
Quel est le lien avec l’élaboration d’une théorie sur le festival ? Le festival est peut-être la quintessence de la sociabilité. Cependant, s’il est aussi multiple et partial, que fait-il donc alors ? Comment est-il construit dans nos sociétés modernes ? Quel est son rapport aux autres manifestations et configurations sociales et culturelles ?
Festival/non-festival (identités pour soi)
Il peut parfois sembler que tout ce qui pourrait avoir été dit sur un sujet a déjà été exprimé. Le festival constitue certainement un sujet usé pour la pensée anthropologique et ethnologique. Élargir ce sujet pour y inclure le non-festival, le contre-festival et l’anti-festival4 peut avoir aidé les collaborateurs de ce numéro à refondre leurs premières versions et leurs analyses ou à revoir leurs travaux comme pertinents, implicitement ou non, à l’élaboration d’une théorie sur le festival. Si le festival est tel que décrit dans l’ouvrage classique d’Alessandro Falassi Time Out of Time (1987), il est distinctif, spécial et différent, tandis que le non-festival demeure banal, normal, ordinaire et pareil. Or, comme nous le démontrent si expressivement les exemples de Tracy Whalen dans son analyse de l’ouvrage Random Passage de la romancière terre-neuvienne Bernice Morgan (et confrontée avec l’ouvrage américain The Shipping News d’Annie Proulx), l’ordinaire est aussi culturel — et autant construit — que son opposé apparent. De fait, la festivité est parfois construite par son contraste avec le quotidien et, quelquefois, la banalité se reconnaît parce qu’elle tient manifestement de la non-célébration, du non-carnavalesque.
Toutefois, la banalité est rarement considérée. Lorsque c’est le cas, elle est trop souvent regardée comme étant, en quelque sorte, moins culturelle et moins distincte que sa forme contrastée5. Qui plus est, les définitions matérielles et sociales de la culture ouvrent la porte aux jugements qui font des pratiques collectives et de sociabilité — dont les festivals pourraient constituer des manifestations — des pratiques fondamentalement utiles, fonctionnelles et, bien que peu oseraient le dire, bonnes. Pourtant, comme l’indiquent clairement les articles du présent numéro, la sociabilité ne profite pas toujours aux individus ou même aux groupes. Tant à l’intérieur de la communauté qu’à l’extérieur, elle peut conserver une profonde ambivalence. Dans son article sur le Michigan Womyn’s Music Festival, Maria Fowler démontre comment sa conceptualisation en fonction des espaces communs des femmes — tels une utopie féminine — peut masquer un éventail de variations relatives à l’expérience d’un même événement. Les festivals peuvent priver les groupes et les individus de leur autonomie même à l’intérieur de leurs limites, comme l’indique Fowler. Leurs représentations peuvent aussi masquer la marginalisation économique et sociale d’une région, comme le démontre Tracy Whalen dans son analyse de la banalité construite dans la littérature terre-neuvienne.
Toutefois, les festivals, en ce qu’ils masquent les contradictions, peuvent constituer également un espace créatif — même s’il s’agit d’un espace négatif — pour ceux qu’ils excluent. Fowler affirme que le Michigan Womyn’s Music Festival a continuellement évolué au cours de son histoire pour incorporer des groupes qui mettaient en doute la place qu’ils y occupaient — femmes de couleur et adeptes du sadomasochisme ; peut-être un jour inclura-t-il même les transgenres. Les prolongements théoriques, particulièrement ceux issus du concept de Victor Turner de communitas comme central à l’expérience des festivals (1969), suggèrent que l’expérience du festival en est essentiellement une d’unité et de similarité. Dans ses travaux, David Harnish donne des exemples sur la façon dont la différence ethnique peut foncièrement pousser les participants à vivre des expériences différentes à l’occasion d’un festival. Même lorsqu’ils paraissent harmonieux, les festivals peuvent simplement renforcer les contradictions et le conflit ethnique comme le décrivent Harnish pour l’île de Lombok et Martine Geronimi pour le Mardi gras de la Nouvelle-Orléans.
Les « Black Indians » et les Zoulous du Mardi gras marquent une société raciste dans laquelle les divisions de l’espace, les classes et même la célébration bifurquent le long des signes construits du lieu racial. Ils le font dans des modes que les tenants de la culture conventionnelle blanche et l’auditoire touristique pourraient redouter, et ce très différemment de la manière dont le font les participants. Comme c’est le cas des Balinais et des Sasaks à Lombok, ces groupes maintiennent des solitudes à l’intérieur de la structure d’un simple festival. Tel que l’indiquent à la fois Geronimi et Harnish, les textes à l’intention des Blancs et des Noirs expliquant l’origine du Mardi gras ou le festival du temple pour les Balinais et les Sasaks sont fondamentalement dissemblables. On pourrait même soupçonner qu’il se forme là deux événements incompatibles, bien que parallèles et même voisins. Pourtant, les Balinais et les Sasaks (et les différents groupes participant au Mardi gras) font en sorte de produire une expérience englobante dans laquelle la différence est transcendée.
Marcia Ostashewski démontre comment le genre peut aussi forcer des expériences de festival variables. Lorsque la culture est définie selon les termes de la domination masculine, les alternatives élaborées par les participantes de même que les aspects féminisés de la culture ne peuvent faire surface que de façon occasionnelle et, souvent, c’est pour être masqués aussitôt. Toutefois, la résistance demeure, même au cœur d’un événement profondémment patriarcal. Les expériences individuelles des participantes — qu’elles soient ethnomusicologues ou joueuses de bandura — donnent lieu à un festival spontané au milieu des moments ordinaires ou vont à l’encontre de la discipline des structures du festival. Le festival et le non-festival alternent constamment dans ce type de pratiques féminines.
Anti-festival/contre-festival (identités pour touristes)
Certaines recherches sur le festival (par exemple Stoeltje 1992) maintiennent une séparation fondamentale entre les événements créés pour les touristes et ceux qui sont faits par et pour une communauté (bien que, comme l’indique la première série de travaux du présent numéro, la question de savoir qui est la communauté et combien d’identités ethniques, sociales, sexuelles, de genre, de classe et autres elle comporte ou incorpore n’est jamais claire). L’hypothèse explicite la plus courante veut que les événements touristiques soient des événements feints, non authentiques, créés non pour engendrer une expérience véritable de liminalité et de communitas, mais pour la simuler à des fins lucratives et de divertissement. Les articles de cette section montrent qu’il peut y avoir une sorte de mouvement entre l’authenticité et l’inauthenticité comme se déroulent, si l’on veut, les cycles de présentation et de représentation. L’anti-festival et le contre-festival alternent ou présentent un dialogue entre les positionnements social et culturel.
Andrew Rouse et Sabina Magliocco relèvent justement ce genre d’élément cyclique dans les festivals dont ils parlent. Bien que des intérêts commerciaux puissent créer des festivals ou s’emparer de ceux-ci, comme c’est le cas du Folkest à Pécs et des événements touristiques en Sardaigne, les gens n’en sont pas moins capables de les recréer ou de se les réapproprier. Parfois, le nouvel événement qui en découle est réprimé et de nouveau approprié à des fins commerciales, mais on pourrait prévoir une autre phase de résistance de la part des communautés et ainsi de suite. Beaucoup de festivals semblent subir constamment ce genre de tiraillement entre le profit et la communitas.
Rouse indique aussi que le changement des époques peut donner lieu à une réécriture de l’histoire et de la mémoire des événements de festivals précédents qui est repositionnée non seulement par le discours du présent mais aussi à travers lui. Des organisateurs différents, des commanditaires différents et même des artistes différents peuvent néanmoins reproduire substantiellement le même festival. Réciproquement, comme les organisateurs, les commanditaires et les artistes changent au cours du temps, ainsi se fait le festival auquel ils participent. À n’importe quel moment, le contexte politique resitue le festival et peut engendrer des connotations largement dissonantes.
En effet, ce qui paraît être le même festival peut, à partir de différentes perspectives, varier de manière considérable. L’analyse que font Thoroski et Greenhill des spectacles du Folklorama démontre comment ce qui était à l’origine un événement communautaire peut avoir été tordu et perverti en étant commercialisé à des fins qui dépassent les besoins d’une communauté. Cette perspective critique est contredite par l’analyse très différente que fait Paul Bramadat d’un pavillon particulier du Folklorama, analyse qui montre comment les membres d’une collectivité s’approprient l’événement à leurs propres fins, travaillant de manière créative à l’intérieur des limites structurelles imposées par l’extérieur. Le concept de Donna Haraway quant aux connaissances partiales suggère que les lecteurs ne devraient pas essayer de discerner qui a raison et qui a tort en ce qui concerne le Folklorama ; chaque perspective donne des points de vue utiles de l’événement dans son ensemble.
Magliocco se concentre sur les constructions qui pourraient être les plus aliénées, délibérément créées pour la consommation des touristes. Pourtant, tant son travail que celui de Bramadat démontrent comment les individus et les groupes peuvent récupérer ces constructions aliénées et les travailler de nouveau pour répondre aux besoins locaux. Ce que Magliocco appelle « la rébellion de l’objet » mène à une « réappropriation » du festival, une sorte de récupération de concepts similaires qui est manifeste dans le prétendu manque d’accent religieux du pavillon israélien. Le prix de la culture peut changer d’un moment à un autre, d’une année à l’autre.
Enfin, Timothy J. Cooley rappelle aux travailleurs sur le terrain que leurs propres expériences du festival peuvent aussi comporter des étapes, des variations internes, et des dimensions expérientielles nettement différentes. Comme d’autres qui assistent à des festivals pour des raisons variées, le bagage intellectuel qu’apportent à l’événement les travailleurs sur le terrain peut avoir des effets importants sur ce que le festival peut devenir (parce que, encore une fois, selon la théorie de Donna Haraway, nos expériences sont partiales). Pour Cooley, la partialité (ou le manque de partialité) était évidente non seulement dans l’ennui qu’il ressentait (que partagent certainement ceux qui conduisent une observation participante, même si nous ne sommes pas toujours assez braves pour l’admettre), mais aussi dans la manière dont il a initialement interprété différentes parties du festival, certaines authentiques, d’autres fausses.
Les festivals relèvent du concept autant — ou peut-être plus — que de la réalité. Ils constituent une superstructure marxiste, relative aux idées, aux concepts, aux enjeux, à l’idéologie. Toutefois, la structure marxiste est aussi là, avec les implications économiques et les contraintes structurelles et sociales législatives et politiques. Parfois, les dimensions matérielles et psychologiques brisent l’harmonie des festivals, et leur dissonance est quelquefois pénible, presque insupportable. Bien sûr, certains aspects du festival constituent le principe essentiel de l’activité collective. À l’inverse, cependant, la solitude et la réflexion constituent une ouverture à l’imagination et aux possibilités qui sont également immanentes dans ces événements.
Je n’insinue pas que l’on ne trouve ces multiples qualités que dans les festivals. Le « Mama’s Boy » de Natalka Husar, qui fait la couverture du présent numéro, présente une profonde ambivalence entre la dimension sociale et la dimension personnelle. Les perspectives de festival, contre-festival, anti-festival et non-festival sont dépeintes de manière troublante et énigmatique. Le style magiquement réaliste du tableau soulève les mêmes questions que celles qui sont traitées par les auteurs de ce numéro ou que celles auxquelles ils font allusion. Lorsque l’ordinaire est tout aussi bizarre, merveilleux et construit que le festival propre, où est la culture ? Toutefois, l’œuvre d’Husar présente le festival comme impropre — où ethnicité et ostentation constituent une série de masques contre l’identité aussi bien que contre les expressions de pouvoir. En fin de compte, la signification devient insaisissable et personnelle plutôt que collective et sociale…
Références
Abrahams, Roger, 1981, « Shouting Matches at the Border: The Folklore of Display Events ». dans Richard Bauman et Roger Abrahams (dir.), «And Other Neighborly Names: » Social Process and Cultural Image in Texas Folklore. Austin, University of Texas Press.
Anderson, Benedict, 1991, Imagined communities : reflections on the origin and spread of nationalism [édition révisée]. New York, Verso.
Bauman, Richard, 1992, « Folklore », dans Richard Bauman (dir.), Folklore, Cultural Performances, and Popular Entertainments: A Communications-Centered Handbook. New York, Oxford University Press.
bell hooks, 1990, Yearning: Race, Gender, and Cultural Politics. Toronto, Between the Lines.
Briggs, Asa, 1992, « Culture », dans Richard Bauman (dir.), Folklore, Cultural Performances, and Popular Entertainments: A Communications-Centered Handbook. New York, Oxford University Press.
Butler, Judith, 1990, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity. New York, Routledge.
Collins, Patricia Hill, 1990, Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness, and the Politics of Empowerment. New York, Routledge.
Doty, Alexander, 1993, Making Things Perfectly Queer: Interpreting Mass Cultures. Minneapolis, University of Minnesota Press.
Falassi, Alessandro, 1987, « Festival: Definition and Morphology », dans Alessandro Falassi (dir.), Time out of Time: Essays on the Festival. Albuquerque, University of New Mexico Press.
Foucault, Michel, 1977, Discipline and punish : the birth of the prison, translated by Alan Sheridan. New York, Pantheon Books.
Greenhill, Pauline, 1994, Ethnicity in the Mainstream: Three Studies of English Canadian Culture in Ontario. Montreal, McGill-Queen’s University Press.
Haraway, Donna, 1988, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism as a Site of Discourse on the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies 14, 3 : 575-599.
Scupin, Raymond et Christopher R. Decorse, 2001, Anthropology: A Global Perspective [4e édition]. Upper Saddle River (NJ), Prentice-Hall.
Stoeltje, Beverly, 1992, « Festival », dans Richard Bauman (dir.), Folklore, Cultural Performances, and Popular Entertainments: A Communications-Centered Handbook. New York, Oxford University Press.
Turner, Victor, 1969, The Ritual Process: Structure and Anti-Structure. Ithaca, Cornell University Press.
Cet article présente une lecture critique détaillée du Random Passage de Bernice Morgan, un roman terre-neuvien du XIXe siècle. L’analyse porte particulièrement sur le lexique, les choix grammaticaux et aborde la façon dont le genre romanesque élabore, par sa rhétorique, une esthétique de la banalité. L’auteure se penche ensuite sur la manière dont un roman, spécialement lorsqu’il présente un style banal, peut être conçu comme un espace de festival liminoïde et comment il peut encourager la communitas ou une lecture partagée qui réconcilie temporairement les membres d’une même communauté (Turner 1982 : 21). Elle soutient que le roman, en bout de ligne, peut être lu à travers le regard commun du désir touristique, une position qui, en fin de compte, reproduit plus qu’elle ne transforme les conceptions existantes relativement au lieu et plus particulièrement les interprétations nostalgiques de l’histoire. Une conception partagée de Terre-Neuve vue comme un espace de loisir, comme un espace touristique, affecte la façon dont le lecteur, autant local que non local, lit et évalue le roman. L’auteure soutient que, particulièrement en période de diminution de la population, de chômage et d’épuisement des ressources, un style banal — prenant forme dans le roman par le biais des choix lexicaux, de la grammaire et de la construction narrative — est une façon convaincante de célébrer collectivement la province.
S’appuyant sur la recherche entreprise au Michigan Womyn’s Music Festival en 1997 et 1998, cet article analyse certaines des complexités sociospatiales inhérentes aux discours gais, des performances et des significations des aspects de « chez-soi » et de « retrouvailles » que comporte cet événement annuel. Prêtant une attention particulière à la relation qui existe entre l’espace discursif de l’« imaginaire social » gai — qui cherche à résister à l’hégémonie des scénarios sociaux et sexuels hétéronormatifs — et l’espace physique du Michigan Womyn’s Music Festival, l’auteure explore les voies par lesquelles les notions et les pratiques du même et de la différence, d’inclusion et d’exclusion et de renforcement et de contestation de la communauté marquent l’événement annuel.
Le pujawali du temple de Lingsar, un festival essentiellement religieux qui a lieu à l’île de Lombok, en Indonésie, réunit des migrants balinais hindous et les Sasak, population locale et musulmane, qui vénèrent ensemble l’eau de pluie et de source, la fertilité, les moissons abondantes, les remèdes et les bénédictions. Cet article analyse les éléments narratifs de la musique présentée à ce festival et postule que les performances, qui structurent et encadrent l’événement et ses rites internes, constituent des récits incorporés liés aux mythes, à la fertilité et aux règles morales. Les arts de la scène à Lingsar sont également les vecteurs de l’ethnicité et réunissent les deux groupes, Balinais et Sasak. Cette union, qu’on dit « comme roi et reine », prend forme par le biais des pratiques de danse et d’exécution musicale, en conjonction avec les rites de prières et les actions collectives des participants.
Le Carnaval de La Nouvelle-Orléans est un moment privilégié pour les touristes comme pour les résidents de la ville. Cette période de fêtes et de parades est devenue une attraction touristique majeure en Amérique du Nord. L’article présente deux formes méconnues de ce Mardi gras : la parade zouloue et le carnaval indien. Après en avoir retracé l’origine, l’auteure analyse les pratiques festives des deux communautés afro-américaines. Derrière une image simplifiée offerte aux touristes se jouent des réalités sociologiques différentes. Chacune des deux communautés cherche, à sa manière, à s’illustrer dans la société américaine en étalant une authenticité vernaculaire.
À titre d’instrument de musique national en Ukraine, le bandura évoque des récits nationaux contradictoires et conflictuels. Dans cet article, l’auteure présente un bref historique du bandura, à l’occasion duquel elle aborde le rôle de cet instrument dans le processus contemporain de construction de la nation, les pratiques de performance qui y sont liées et les questions auxquelles il donne lieu en lien avec le genre. Elle se penche sur les contextes dans lesquels deux modèles principaux d’exécution du bandura sont pratiqués, en relation avec le cas particulier du Bandura Festival 2000. Les entrevues avec la joueuse de bandura Nadia Tarnawska révèlent comment le Bandura Festival 2000 fonctionne à l’intérieur même et comme partie prenante de la continuelle construction de l’histoire de l’instrument et des discours d’« ukrainitude ». Les expériences de Tarnawska fournissent une illustration poignante de la nature de ce discours en relation avec le Bandura Festival 2000, la production musicale ukrainienne, plus généralement, et l’ensemble des questions liées au genre et à l’indépendance de la nation. Pour cette raison, l’auteure traite de la place des histoires de vie dans le large contexte du changement dans les pratiques musicales.
Le premier Folkest international de Pécs a eu lieu en 1986. Il a été mis sur pied par les différents organismes gouvernementaux qui existaient dans les années du socialisme. Aujourd’hui, le festival continue toujours, même si, comme tous les festivals, au fil des ans, il a été l’objet de savants rafistolages. Cet article analyse, par le biais de coupures de presse, de documents d’archives et de l’imprécise mémoire de nombreux organisateurs, comment il a pu survivre au transfert d’un régime d’État dominant à un régime fondé sur le nouveau capitalisme qui a écarté les événements culturels, des événements qui, en fin de compte, avaient toujours été un élément important dans la perspective politique socialiste.
Cet article analyse des festivals et des formes semblables de culture publique en Sardaigne comme événements-performances qui construisent et négocient des significations autant pour les hôtes (la culture dominée, dans le cas de la Sardaigne) que pour les invités (les touristes), servant de lieux pour la création de l’identité et de l’authenticité. Ce texte documente l’apparition de la « récupération du festival », un phénomène dans lequel les groupes subjugués récupèrent ou se réapproprient les (re)présentations d’eux-mêmes créées par la culture dominante. La récupération du festival peut supposer la réappropriation ou la recréation d’un festival séparé, qui prend la forme d’une extraordinaire célébration locale, après qu’un grand festival soit devenu une attraction touristique. Ainsi, quand un festival essentiellement local ne met plus en scène un récit identitaire auquel la population peut adhérer, la communauté peut choisir de transformer le festival par de nouvelles activités ou en désigner un nouveau, un festival séparé à l’occasion duquel mettre en scène l’identité à laquelle la communauté s’identifie. Cet article analyse ce processus qui est ici abordé comme une partie du phénomène de globalisation/localisation.
La littérature anthropologique ou provenant d’autres disciplines et abordant le tourisme et le tourisme culturel suggère toujours un même problème : ces pratiques tendent à détruire leur propre objet. Ce danger est particulièrement important là où le tourisme porte sur l’expérience de cultures « intactes » ou « non occidentalisées ». Les touristes dégradent ou détruisent souvent l’environnement qu’ils sont venus apprécier, et leur intérêt vis-à-vis de la découverte de cultures exotiques ne prend pas en considération la réalité quotidienne des gens. Le Folklorama, au même titre que les autres festivals ethniques, est l’objet de pressions semblables. L’analyse du Folklorama nous donne une perspective qui éclaire davantage les individus et les groupes qui y participent que les hiérarchies, les infrastructures et les groupes dirigeants.
Le Folklorama de Winnipeg est le plus important et le plus ancien festival multiculturel au monde. Les communautés ethniques locales présentent la culture de la population de leur pays (et celle de la communauté d’immigrés) avec des kiosques culturels, des aliments et habituellement un spectacle ethnique. Le fait que les membres de ces groupes doivent décider de la façon dont ils se représentent eux-mêmes fait de ce festival une excellente opportunité pour comprendre les façons dont le festival est utilisé par les groupes pour interagir avec la société canadienne dans son ensemble. Bien que les dirigeants du festival, lorsqu’ils attribuent les pavillons, avertissent les organisateurs d’éviter les questions religieuses ou politiques provocatrices, dans la foulée des efforts déployés pour dépeindre des cultures particulières, les traditions religieuses ethniques sont souvent présentées quand même. Dans cet article, l’auteur se penche particulièrement sur la place des religions et la présentation qui en est faite (principalement l’Islam et le judaïsme) dans le pavillon d’Israël. Cette analyse montre que les présentations de la religion dans ce pavillon servent surtout certains des objectifs spécifiques et généraux de la communauté, comme la réduction de l’ignorance locale et de l’antisémitisme, la préservation de l’identité juive et la promotion du sentiment pro-Israël.
Les festivals folkloriques et les autres formes de présentations de la musique populaire pour les touristes sont souvent interprétés comme de pâles mises en scènes de la « vraie » musique populaire, au mieux, et comme le fruit de la corruption commerciale, au pire. L’auteur a lui-même été coupable de ce genre d’interprétation. Dans cet article, il conçoit les festivals folkloriques de la Pologne méridionale comme des rituels calendaires hautement significatifs qui sont nécessaires à la survie de certaines façons de vivre. Les festivals folkloriques remplacent, parfois de façon délibérée, des rites calendaires communément reconnus qui avaient autrefois pour but de préserver la vie agricole. Une chose qui est préservée et protégée par le rituel du festival folklorique est le concept de « musique populaire authentique ». Une fois que le rituel protecteur a eu lieu, les participants sont libres de s’engager dans d’autres activités de musique « non authentique ». L’auteur montre comment ces notions d’authenticité et de préservation sont négociées par les musiciens, les dirigeants du festival, les ethnomusicologues locaux et les touristes. Au lieu d’être agacé par les inévitables transformations que suppose le passage d’une pratique artistique intime à une performance stylisée sur scène, il les perçoit comme des réponses astucieuses à la transformation des conditions sociales, économiques et culturelles.
Trois importants cas de l’actualité légale concernant les prostituées séropositives aux États-Unis démontrent la facilité avec laquelle la méchanceté et le désespoir d’un individu peuvent être amplifiés pour condamner une catégorie entière de personnes marginalisées. Les ressources ethnographiques et épidémiologiques, complétées par la perspective subjective imaginée de ces femmes qui n’ont pas le doit de parole, sont mises au jour à travers l’analyse textuelle d’études de cas légales et provenant des médias de masse pour identifier les implications pragmatiques et éthiques de la perspective gouvernementale dans l’intervention vis-à-vis du SIDA.
Ce texte est la seconde partie d’un rapport préparé pour le compte de Patrimoine canadien et portant sur l’état de la recherche en ethnologie au Canada. Écrit en 1998, ce rapport expose comment le Canada a donné suite à la déclaration de l’UNESCO de 1989 concernant la sauvegarde des cultures traditionnelles et de leurs savoirs. Cette seconde partie aborde les quatre derniers points de la déclaration de l’UNESCO : la préservation des cultures populaires, leur diffusion, leur protection et la coopération internationale. Des suggestions sont présentées relativement aux politiques gouvernementales qui pourraient améliorer l’appui canadien à la déclaration de l’UNESCO. Les cultures populaires ont été préservées par le biais du financement fédéral de la recherche et de la formation de professionnels. Les ethnologues ont diffusé des contenus dans différents types de médias et de publications. Les cultures populaires ont été protégées par le biais de l’adoption de différents codes d’éthique concernant les informateurs, leurs savoirs et leurs objets. Les ethnologues canadiens ont été impliqués dans un large spectre d’activités internationales et de projets de coopération avec des spécialistes de différentes parties du monde. Finalement, sont présentées des raisons historiques qui expliquent pourquoi aucun des différents centres qui se sont développés à travers le pays n’assume le rôle de centre national pour les études canadiennes en ethnologie. Parmi la série de recommandations qui sont formulées, il est proposé d’établir un tel centre à Ottawa, pour coordonner et encourager toutes les formes de documentation et de recherche sur les cultures populaires au Canada.