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Vol. 29-1/2 – 2007
Regular Issue
En 1973, il y a donc aujourd’hui près de 35 ans, Clifford Geertz publiait pour la première fois sa fameuse réflexion sur la description dense (thick) en anthropologie. S’appliquant non pas tant à énoncer un programme pour l’anthropologie (à dire en somme ce que devraient faire les anthropologues), mais bien plutôt à circonscrire la démarche anthropologique, Geertz réaffirmait en outre le caractère descriptif de l’activité des anthropologues. D’entrée de jeu, il proposait que, pour savoir en quoi consiste une discipline, il ne fallait pas tant s’intéresser aux résultats qu’elle produit, aux théories qu’elle formule ou aux découvertes qui en émanent, mais bien plutôt regarder ce que font concrètement ses praticiens. Et Geertz disait qu’à l’évidence, ce que font les anthropologues, ce sont des descriptions, c’est-à-dire de l’ethnographie. Le propos de Geertz est toujours d’une grande actualité chez les anthropologues et il me semble aujourd’hui pouvoir également très bien s’appliquer à ce qu’est devenue l’ethnologie canadienne.
Pour les besoins de ce texte et de façon tout à fait exceptionnelle, je voudrais me permettre d’utiliser la distinction nord-américaine classique que font (ou que faisaient encore récemment) les ethnologues et les folkloristes entre ethnologie1 et anthropologie, l’ethnologie se présentant elle-même comme l’étude diachronique des cultures occidentales et se caractérisant par le fait que le chercheur soit lui-même de la culture qu’il étudie (le « proche » ou le « même »), alors que l’anthropologie est (ou était) plutôt pensée comme l’étude synchronique des cultures exotiques, qui ne sont donc pas celles de ceux qui les étudient (Bergeron et al. 1978 ; Desdouits 1997). Encore faut-il préciser qu’en Amérique du Nord, de façon générale, cette distinction est essentiellement faite par les ethnologues et les folkloristes et demeure le plus souvent ignorée par les anthropologues, lesquels, peut-être eu égard à leur nombre (plus important que celui des ethnologues), semblent couramment faire abstraction de l’existence même de cette discipline, qui s’est longtemps voulue distincte de la leur. Bien sûr, avant de recourir à une telle distinction, il faut par ailleurs tout de suite ajouter qu’on ne saurait plus aujourd’hui avoir l’idée de donner quelques fondements théoriques, méthodologiques ou épistémologiques à celle-ci. De fait et bien qu’elle ait jadis adopté la forme que je viens d’énoncer et que ce soit cette distinction qui soit à l’origine d’institutions et de traditions disciplinaires distinctes, il y a bien sûr aujourd’hui des chercheurs formés en ethnologie qui travaillent dans des perspectives synchroniques et parfois aussi (quoique plus rarement) dans des contextes exotiques, et il y a déjà un bon moment que les anthropologues ont entrepris de s’intéresser à la dimension historique des phénomènes qu’ils étudient et que plusieurs ont également entrepris d’appliquer leur démarche aux sociétés occidentales.
Cela dit, il y a tout de même encore lieu de reconnaître l’existence d’une distinction institutionnelle et de traditions disciplinaires distinctes. En effet, à l’Université Laval il y a toujours un programme d’ethnologie distinct du programme d’anthropologie, tout comme à l’Université Memorial, il y a toujours un département de folklore distinct du département d’anthropologie, et on constate le même genre de dédoublement dans la large majorité des universités américaines qui comptent des départements de folklore. Je voudrais finalement insister sur le fait qu’on aurait certainement tort de croire que cette distinction n’est plus aujourd’hui qu’une histoire de découpages administratifs : rien ne me semble plus faux ! En effet, alors que les anthropologues se reconnaissent eux-mêmes comme les héritiers de Mauss ou de Malinowski, les ethnologues se reconnaissent plutôt comme les héritiers de Van Gennep ou de Propp et, pendant que les étudiants en anthropologie à Laval lisent pour une première fois Lévi-Strauss, les étudiants en ethnologie découvrent plutôt Favret-Saada. Enfin, quoi qu’on puisse dire des anciens découpages culturalistes entre terrains qui permettaient de faire les expertises des uns et des autres en anthropologie et qui, aujourd’hui, n’auraient plus de pertinence, force est de constater que quantité de programmes en anthropologie témoignent toujours du découpage en aires culturelles, lequel me semble encore plus prégnant dans la façon dont se fait le recrutement des nouveaux professeurs dans les départements d’anthropologie (il est en effet très rare qu’on fasse le recrutement sans spécifier qu’on accordera la préférence à des candidats s’intéressant à une aire culturelle en particulier). De même, on peut aussi observer, chez les ethnologues, la nette persistance de questionnements et de perspectives diachroniques (celle-ci est présente dans tous les articles de ce numéro), de même que la prédilection pour certains objets qui furent longtemps au coeur de cette discipline. Concrètement, les ethnologues ont leurs associations, leurs revues, leurs réseaux académiques et leurs événements scientifiques ; il en va de même pour les anthropologues ; le mélange des deux, même s’il a parfois lieu (certains s’aventurent parfois chez leurs voisins), demeure cependant toujours assez exceptionnel. En somme, même si on ne saurait plus faire de distinction eu égard aux méthodes, aux cadres théoriques et aux objets d’études, il n’en demeure pas moins que l’héritage disciplinaire n’est pas le même, que le corpus de littérature savante auquel les étudiants de premier cycle sont initiés diffère et qu’il en va de même des terrains et des questionnements qui sont le plus souvent choisis d’un côté comme de l’autre. Il y a donc certainement encore lieu de reconnaître l’existence d’une distinction, fût-elle uniquement contingente et liée à l’histoire des institutions, et, sur la base de celle-ci, de remarquer que si l’importance de l’ethnographie comme démarche pouvait déjà être constatée il y a plus de trente ans en anthropologie, celle-ci apparaît comme relativement nouvelle du côté de l’ethnologie.
L’importance prise par les entreprises ethnographiques chez les ethnologues canadiens me semble étroitement liée à un déplacement du regard qui nous a progressivement fait passer d’une étude de la culture comme produit à une étude de la culture comme expérience sociale. Dans les pages qui suivent, je voudrais donc faire état de ce en quoi me semble consister ce passage et réfléchir à ce qui caractérise cette forme d’ethnographie comme nous la pratiquons aujourd’hui. Ce numéro de la revue m’apparaît comme l’occasion idéale pour me risquer à un tel exercice. En effet, les textes rassemblés ici ont ceci de particulier qu’aucun d’entre eux n’a été soumis à la revue en réponse à un appeld’articles comme on en diffuse couramment en vue de la préparation de numéros thématiques. Cette collection de textes était à l’origine celle d’un numéro « ouvert », c’est-à-dire l’assemblage de tous les articles reçus par la revue au cours des dernières années et des derniers mois. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas parce que les textes en question n’ont pas tous en commun un même objet, un même phénomène ou un même terrain que l’ensemble est dépourvu d’unité ! En effet, les numéros ouverts ont ceci de particulier, à la différence des numéros thématiques, qu’ils témoignent le plus souvent d’une forte unité disciplinaire. C’est que, s’il est courant que la revue publie des travaux émanant de chercheurs d’autres disciplines qui proposent leurs textes en réponse à des appels pour des numéros thématiques, les autres articles que reçoit la revue sont presque toujours des travaux d’ethnologues, qui se reconnaissent en appartenance à cette discipline et qui considèrent cette revue comme la leur. Non seulement l’unité de l’ensemble me semble bien réelle, mais celle-ci m’apparaît comme tout à fait révélatrice dans la mesure où les travaux de ce numéro concernent des terrains, des périodes et des phénomènes variés.
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Notes
1. Du côté anglophone, autant au Canada qu’aux États-Unis, au lieu d’« ethnology », on parle plus couramment de « folklore » pour désigner la discipline.
Références
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Les baies sauvages constituent depuis longtemps une base alimentaire à Terre-Neuve et au Labrador. La cueillette des baies reste une activité importante de la fin de l’été et du début de l’automne, car elle associe une connaissance géographique traditionnelle à la culture matérielle, aux modes d’alimentation et aux coutumes. Il se peut qu’à présent les baies soient aussi le produit alimentaire de Terre-Neuve et du Labrador qui obtienne le plus de succès auprès des touristes, car elles combinent des attributs de santé, de nature sauvage et de sources de bienfaits. Tandis que des incertitudes ou des convictions éthiques et morales préviennent beaucoup de touristes contre les produits à base de phoque, et que des préoccupations de santé les empêchent d’apprécier les plats régionaux comme le fish and chips, les baies permettent aux visiteurs de s’ouvrir à la culture locale en restant irréprochables. En réifiant le texte et les images de la littérature touristique nationale et provinciale qui met l’accent sur les « produits naturels de plein air » de la région, les baies deviennent l’icône d’un peuple plein de ressources, intimement lié à un environnement sauvage à l’abondance accueillante.
L’achat du premier soutien-gorge, qui implique le port du premier soutien-gorge ou du moins le premier soutien-gorge acheté spécifiquement pour une jeune femme, introduit deux phases allant au-delà de l’idée de la fille se démarquant en tant que femme : une vie entière à porter des soutiens-gorges et une vie entière à en acheter. Afin d’explorer quelques-unes des conséquences qu’implique le fait d’utiliser l’expression « rites de passage » dans des contextes contemporains, cet article cherche à identifier les éléments relevant du « rite » dans l’achat du premier soutien-gorge. Il s’agit d’une activité plus ou moins inévitable dans la culture féminine nord-américaine ; c’est une transaction commerciale, qui peut donc être soumise à des questions de statut socio-économique ; et elle est inhérente aux transformations de la puberté, tant physiologique que sociale (au sens que lui donne van Gennep). Enfin, bien qu’elle soit distincte de la sexualité adolescente, elle en est néanmoins virtuellement indissociable et reste donc une activité sexuée, de celles dont le chercheur de terrain de sexe masculin est exclu, pour des raisons qui vont bien au-delà de la simple indécence.
Cet article examine les origines de certains powwows du sud-ouest de l’Ontario à partir d’entrevues avec les organisateurs et les participants autant qu’au moyen d’une analyse des médias. L’auteur illustre l’histoire complexe de ces rassemblements et les influences qu’ils ont subies, en éclairant également certaines des difficultés persistantes inhérentes à l’organisation de ces rassemblements. Les nuances du terme « tradition » s’appliquant aux rassemblements culturels contemporains, lesquels se modifient continûment d’année en année, sont également explorées.
Les études récentes portant sur les expositions universelles ont énormément privilégié leur caractère réifiant ou folklorisant dans le travail de cadastration des identités culturelles à l’intérieur de pavillons nationaux, ainsi que les représentations matérielles de ces expositions, qu’elles soient d’ordre architectural, ethnographique ou commercial. Cet article insistera donc sur un autre aspect des expositions universelles, celui des espaces non muséaux que sont les grandes fêtes, les spectacles de divertissement et les lieux de consommation alimentaire que l’on retrouvait dans la section coloniale de l’Exposition universelle de Paris de 1889. Cela nous permettra d’appréhender différentes dynamiques interculturelles à l’intérieur de la dialectique des expositions universelles, entre leur caractère inclusif qui favorise une interpénétration des cultures orientée vers l’utopie planétaire d’une grande civilisation à l’échelle mondiale, et leur caractère exclusif qui tend au contraire à enfermer les différentes communautés culturelles représentées dans des archétypes muséifiants. Il apparaît ainsi qu’à travers ces trois dispositifs de rencontre de l’altérité, le contact interculturel se voit intégré dans un discours globalisant qui ne conduit pas tant au rejet du colonisé dans l’altérité qu’à une récupération dans la rationalité coloniale française de la mission civilisatrice. La documentation utilisée comprendra des récits de visites à l’Exposition de 1889 qui abordent les différents lieux et manifestations susnommés.
En 1949, l’anthropologue Marius Barbeau recruta Margaret Sargent, jeune musicienne de formation classique de l’Ontario, pour travailler avec lui au Musée national du Canada. En tant que première musicologue jamais employée par cette institution, la première tâche de Sargent fut de transférer les enregistrements des cylindres phonographiques de cire sur bande magnétique. Tandis qu’elle travaillait à la massive collection de Barbeau, Sargent commença à s’intéresser à la collecte de chansons folkloriques et lui proposa de se rendre à Terre-Neuve pour effectuer des recherches. En 1950, avec l’appui de Barbeau, elle passa huit semaines dans la province, recueillant des chansons, des airs de violon et d’autres matériaux folkloriques, principalement à Saint-John’s et à Branch. Mais, bien qu’elle ait réalisé la première recherche subventionnée dans le domaine des traditions de la chanson folklorique à Terre-Neuve, les activités de Sargent pour le Musée national sont peu connues, car elle n’a rien publié de son travail à Terre-Neuve. Au lieu de cela, son successeur, Kenneth Peacock, est souvent considéré comme étant celui qui a inauguré cette recherche. Bien que par la suite Peacock ait visité six fois la province et qu’il ait fini par publier un recueil en trois volumes des Songs of the Newfoundland Outports (1965), c’est Sargent qui avait lancé le programme de recherche en chansons folkloriques du Musée dans cette province. Cet article, qui se base en partie sur des entrevues avec Sargent autant que sur ses notes de terrain et ses enregistrements, relate en détail son travail de terrain à Terre-Neuve et décrit le type de matériaux qu’elle put recueillir au cours de son été passé sur le terrain. Il souligne les défis auxquels Sargent avait eu à faire face sur le terrain à Terre-Neuve et comment son travail précurseur a facilité plus tard les recherches de Peacock.
Cet article traite du rôle et des significations de la maison monastique dans les récits des moniales du monastère de Saint-Nicolas (Roumanie). C’est à travers les récits des moniales, fortement ancrés dans l’expérience du communisme, que leur attachement à la tradition orthodoxepaysanne peut se comprendre. Face à la persécution du régime communiste, les moniales de Saint-Nicolas ont trouvé refuge dans l’espace domestique des maisons qu’elles ont construites à l’aide de leur parenté. Ainsi les maisons sont-elles devenues les lieux ultimes de réclusion, de conservation et de transmission de la mémoire spécifique du monastère.
À partir des relations de Cartier, de Champlain et des premiers missionnaires en Nouvelle-France, ce texte se propose de retrouver le « fil » du récit qui lie ces voyageurs entre eux. À travers leurs écrits, ces hommes ont chacun fabriqué une image de l’Amérique et du sauvage, mais fondamentalement, ce qui les unit tous, c’est l’effet-choc de la confrontation à une altérité et à un ailleurs. Pouvons-nous réellement connaître, à travers ces récits de voyage, la pulsion première qui anime les voyageurs, ou encore saisir l’instant présent de leurs expériences ? Quel type de savoir nous délivrent ces textes ? Au-delà de toute stratégie narrative, le texte, où s’élaborent l’appropriation et la traduction de l’autre, porte la trace du lien établi entre les deux cultures en confrontation. Même si elle a ensuite fondé scientifiquement ses propres règles pour l’observation et la transcription de l’expérience du voyage, l’anthropologie a hérité de cette histoire. Finalement, l’impossibilité d’atteindre « l’altérité pure », de l’exprimer à travers l’écrit, ou encore l’incontournable expression de soi à travers l’autre, n’est-ce pas ce qui constitue le noyau de la difficulté méthodologique de l’anthropologue de terrain ?
La téléréalité a transformé l’univers de la télévision grand public.Dans cet article, nous postulons que le phénomène de la téléréalité a connu une évolution en trois temps. La première génération de téléréalité emprunte à la fiction et au documentaire. On reconstruit la réalité à l’aide de témoignages, de reconstitutions d’événements et d’entrevues sur les lieux de l’événement. La téléréalité de la deuxième génération s’internationalise. Au lieu de reconstruire la réalité, on l’observe. La téléréalité de la troisième génération est interactive, multiplateformes et multimédias. On génère la réalité grâce à des émissions coupées et montées. En ce sens, la véritable originalité de la téléréalité d’aujourd’hui est à chercher dans sa façon d’utiliser les nouvelles technologies : Internet, vidéo, téléphonie cellulaire, lecteur MP3, radio et télévision.
Le XIXe siècle a transformé Noël en une célébration de la famille bourgeoise. Il a du même coup installé l’enfant au centre du rite profane en lui attribuant un nouveau rôle, celui-ci étant révélateur du changement de son statut social et familial. D’acteur principal du rituel mettant l’adulte au défi, il est en effet devenu en un siècle et demi le récipiendaire d’un don infini et sans réciprocité.
Dans le cadre d’une recherche dans une fonderie en Roumanie sur la transition économique et politique du pays dans l’après-Ceausescu, menée en occupant un poste de travail, l’auteure montre comment une intégration fondée sur les représentations de genre et de parenté symbolique peut nuire au bon déroulement de l’enquête. L’ethnographe choisit alors de « neutraliser » son genre afin de déplacer son rôle et les attentes des informateurs pour construire son objet et mener sa recherche. En adoptant les signes extérieurs de la masculinité, l’auteure a inversé les perceptions sexuées de son sexe biologique. À la fin de son séjour, elle n’était plus qu’« un » ethnologue, c’est-à-dire une personne sans genre bien défini. C’est ainsi que l’auteure a pu déplacer les enjeux périphériques et perturbateurs de sa présence sur le terrain et se consacrer pleinement à l’étude du fonctionnement réel de l’entreprise. L’article propose donc un exemple concret de « neutralisation » de genre par l’ethnologue lui-même et il évoque également les effets de cette transformation sur le cadre d’enquête.