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Vol. 30-1 – 2008
Regular Issue
Les diverses études ethnographiques portant sur la danse ont fait entrer les recherches sur la danse dans le champ de l’ethnographie et procurent donc un sujet significatif à ce numéro spécial d’Ethnologies. Longtemps, la norme pour les études du domaine de la danse était celle d’une approche historique ou basée sur le genre ; cependant, au cours des années 1960, les recherches menées par ceux qui se définissaient eux-mêmes comme des « anthropologues de la danse » ont commencé à explorer des processus sociaux et des contextes culturels plus larges des performances et des productions de la danse. Les premières études, comme celle de Joann Kealiinohomoku dans son article « An Anthropologist Looks at Ballet as a Form of Ethnic Dance » (1969) et des travaux ultérieurs, tels que celui de Judith Lynne Hanna, Dance, Sex and Gender (1988), ont employé des perspectives anthropologiques pour étudier des formes de danse que l’on n’envisageait pas de cette manière auparavant. Ces chercheures américaines ont défriché le terrain pour que les chercheurs de ce domaine puissant envisager que l’ethnographie constitue une méthodologie appropriée pour penser et écrire à propos de la danse. De plus, l’incorporation d’idées d’universitaires telles que Joann Wheeler Kealiinohomoku (1972, dans Folklore and Folklife. An Introduction) et Adrienne Kaeppler (1992, dans Folklore, Cultural Performances and Popular Entertainments) dans des anthologies de folklore marque le début des liens entre danse et folklore à travers des approches ethnographiques. Ces écrits sur la danse, inspirés par l’anthropologie, ont incité les chercheurs à réfléchir à l’importance des communautés dans le domaine de la danse, à leurs praticiens et à leurs publics, et aux contextes sociaux et culturels dans lesquels on danse. Tant les études sur la danse proprement dite que l’ethnologie ont influencé les travaux des auteurs dont les articles apparaissent dans ce numéro.
Ces premières ethnographies sur la danse n’ont pas seulement souligné l’importance du contexte et de la fonction des formes de danse sous l’angle d’une compréhension de la signification de la danse en tant qu’élément de la culture ; elles ont également contribué à affaiblir les distinctions entre ce que l’on appelait le « grand art » et les « arts mineurs » : les danses folkloriques, nationales et ethniques sont devenues des « danses vernaculaires ». En retour, cela permit de faire évoluer les perceptions de la danse vernaculaire. Susan Eike Spalding et Jane Harris Woodside, par exemple, l’ont définie dans l’introduction de leur recueil d’articles, Communities in Motion. Dance, Community and Tradition in America’s Southeast and Beyond : la danse vernaculaire est une « danse qui prend sa source dans une communauté et qui est mise en forme et perpétuée par le processus traditionnel ; elle peut être par nature soit sociale, soit tournée vers la performance » (1995 : 2, traduction libre). Auparavant considérée comme quelque chose de brut, ne demandant pas d’aptitudes particulières et dépourvue d’intention esthétique, la danse vernaculaire est aujourd’hui comprise sur le mode de sa relation à des groupes de gens spécifiques ; elle est accessible, localisée et populaire.
Les articles présentés dans ce numéro ont été soumis en réponse à un appel à communications et ils devaient explorer les concepts de tradition, de réinvention, de revival, de patrimoine et d’identité tels qu’ils se jouent dans diverses communautés de danse et sous l’impulsion de différents danseurs. Nous avons sollicité des analyses portant sur la danse historique ou contemporaine, peu importe le contexte de performance ou de genre, qui se baseraient sur les notions d’enquêtes ethnographiques au sens large, et qui concevraient la danse comme pratique narrative symbolique, construction narrative, moyen d’agir culturel par l’intermédiaire de la performance, ces danses étant pratiquées dans des contextes régionaux, nationaux et transnationaux. Nous souhaitions essentiellement attirer l’attention de nouveaux chercheurs sur la nature mouvante du « traditionnel » dans le domaine de la danse, tel qu’on le comprend dans les contextes sociaux et culturels à travers les pratiques ethnographiques.
Les articles qui suivent ont été rédigés par des universitaires vivant et travaillant dans différentes régions de notre pays ; ensemble, ils se penchent sur une grande variété de types de danses. Le travail interdisciplinaire des auteurs publiés dans ce numéro, chercheurs provenant de champs d’études aussi divers que le folklore et l’ethnologie, l’anthropologie, l’ethnomusicologie et les études culturelles, permet d’envisager de manière étendue et fructueuse la danse au Canada. La méthode des différentes recherches rassemblées ici, l’ethnographie, est le point commun de tous ces articles. L’usage que font ces auteurs de l’ethnographie ne se limite pas aux perspectives d’une discipline en particulier, mais les a plutôt incités à rechercher une manière frappante d’attirer l’attention sur l’importance de la danse pour les individus et les communautés qu’ils décrivent, et de leur donner voix au chapitre. En outre, les trois rédactrices invitées de ce numéro sont de jeunes universitaires qui ont été formées, qui publient et qui enseignent dans divers programmes interdisciplinaires d’art et de culture ; elles ont également en partage, dans leur travail, le même intérêt pour l’ethnographie. Les apercus et les idées qui se dévoilent à travers tous les écrits de ce numéro sont, sans aucun doute, nés des approches interdisciplinaires diversifiées de leurs auteurs.
Les articles de ce numéro thématique sont ordonnés de manière à présenter tout d’abord au lecteur quelques-unes des recherches sur la danse menées au Canada, ensuite à l’amener à la rencontre des matériaux relatifs aux pratiques très étendues de la danse au Canada, puis à attirer son attention sur les productions de petits groupes et d’individus. L’ordonnancement des articles fait passer le lecteur des études d’ordre plus général — de la recherche — à celles de nature plus spécifique — des pratiques de danse hautement personnalisées. Cette structure apparemment directe est problématisée, cependant, par le fait que les articles individuels entrent en interconnexion de manière plus complexe. Plus spécifiquement, l’ensemble de ces articles permet d’identifier plusieurs problèmes théoriques centraux ; mais cependant, ils ne soulèvent pas tous les mêmes ensembles de questions. Les matériaux présentés dans ce numéro, considérés dans leur ensemble, démontrent à quel point les exemples de danses spécifiques et localisées sont connectées aux processus sociaux plus larges. D’autres questions théoriques, plus poussées, soulevées dans les articles individuels, s’emboîtent avec celles d’autres articles ou les recoupent. La structure de ce numéro évoque donc la nature elle-même des communautés de danse et de leurs pratiques dans les vies de nombre d’entre nous pour qui la danse donne un sens à nos vies, la danse étant entremêlée à de nombreuses dimensions de nos propres expériences et de nos mémoires en tant que danseuses et qu’universitaires.
Bien qu’il existe déjà un petit nombre d’excellentes publications sur la danse au Canada, sur lesquelles se base ce numéro, ce dernier est unique en ce qu’il rassemble des recherches qui se fondent sur l’ethnographie contemporaine de la danse. Il interpelle à la fois l’intérêt qui est né au cours des dernières décennies, au niveau international, pour les études ethnographiques et ethnologiques de la danse, autant que l’intérêt naissant des chercheurs du domaine de la danse au Canada pour les approches ethnographiques de la danse. L’article d’ouverture de ce numéro décrit les travaux de la chercheure Gertrude Kurath, pionnière des recherches sur la danse, et sa contribution à l’ethnographie de la danse, en particulier dans le cadre de ses travaux auprès des Premières nations du Canada. Son auteure, Mary Caldwell, avance que les travaux de Kurath « annonçaient les redéfinitions du travail de terrain au XXe et au XXIe siècles », et soulève un certain nombre de questions relatives à la méthodologie ethnographique — y compris celles des pratiques de terrain, de l’observation participante, des relations avec les participants et de l’usage de la transcription des figures de danse — qui sont également reprises par d’autres auteurs lorsqu’ils exposent leur propre travail. Cette attention portée aux processus ethnographiques à tous les stades de l’entreprise de recherche court en filigrane dans tout ce numéro.
Presque tous les articles examinent comment les pratiques traditionnelles ou vernaculaires se transforment à travers le temps et les lieux. Sarah Quick utilise le concept de la poétique sociale de Michael Herzfeld comme une loupe qui lui permet d’observer comment les performances de la gigue de la Rivière Rouge émergent des interactions sociales. Elle décrit comment les plus jeunes générations de Métis utilisent aujourd’hui la gigue de la Rivière Rouge pour exprimer la manière dont ils conçoivent leur place en ce monde. De manière semblable, Nicola Mooney explore par quel biais les performances hybrides du bhangra compliquent le rôle de cette danse dans la conservation d’une identité des Sikhs Jat en contexte canadien. Tant Quick que Mooney soulignent que les manifestations les plus anciennescomme les plus nouvelles de la tradition de danse qu’elles étudient respectivement sont signifiantes pour — et utilisées de manières stratégiques par — différents membres de la communauté. De manière similaire, Kristin Harris Walsh explore comment les déplacements contextuels, du social au performatif, à travers les processus de modernisation, de revival culturel et de mondialisation ont permis à la tradition vernaculaire de la step dance des Irlandais de Terre-Neuve de survivre et de prospérer. Andriy Nahachewsky et Jillian Staniec considèrent les manières par lesquelles les individus et les communautés d’intérêts peuvent redonner forme aux traditions, en se basant sur des choix particuliers faits en fonction des pratiques de production et de performance. Et, tandis que Bridget Cauthery discute de la danse contemporaine, elle se penche plus particulièrement sur la croyance vernaculaire de la pratique de la transe ou de la transformation comme élément clé des créations choréographiques de Margie Gillis.
Le rôle de la danse dans la construction, l’entretien et la contestation de l’identité constitue un autre de ces thèmes qui courent à travers plusieurs des articles de ce numéro. La danse sert aussi à compliquer et à réifier les représentations essentialistes de la culture et de l’identité qui circulent dans le courant de pensée dominant de la société. Par exemple, Quick décrit comment les performances de la gigue de la Rivière Rouge « se laissent voir comme un index d’interactions sociales et de points de vue qui ne concordent pas nécessairement avec un récit national figé de l’identité métis ». Par contraste, Mooney explique que les Sikhs Jat exécutent le bhangra le plus proche de leurs racines comme une manière de tracer des frontières autour de leur identité pour se différencier des non-Jats ; les formes hybrides du bhangra sont perçues comme des défis ou des atteintes à la notion d’identité. Staniec se penche sur les différentes valeurs politiques impliquées dans les choix qu’ont fait les individus et les groupes d’Ukrainiens canadiens en ce qui concerne les manières par lesquelles ils s’affilient aux pratiques et aux styles des compagnies de danse. À l’inverse, l’article de Nahachewsky porte sur les rôles des individus et des groupes de danse dans la construction et la pérennisation des revivals de danse folklorique. Harris Walsh envisage le groupe des danseurs de St. Pat comme une incarnation de l’identité irlandaise à Terre-Neuve. En dépit du fait que les gens d’ascendance irlandaise n’ont jamais constitué une majorité ethnique dans la province, les habitants de Terre-Neuve ont tendance à s’identifier à la culture irlandaise par le biais d’une variété de produits culturels, y compris la danse vernaculaire. Harris Walsh suggère qu’il en est ainsi parce que Terre-Neuve et l’Irlande partagent certaines similitudes, perçues ou réelles, qui ont incité les habitants de Terre-Neuve à prendre modèle sur l’Irlande, peut-être en partie parce que les produits culturels sont souvent mieux et plus fortement conservés dans des communautés distantes géographiquement de leur pays d’origine.
Il n’est guère étonnant que, au début du XXIe siècle, le transnationalisme soit devenu un facteur d’importance dans le développement des pratiques de danse. Harris Walsh discute de l’impact du phénomène mondial de la Riverdance sur la step dance irlandoterre-neuvienne, tandis que Mooney explore la manière dont les nouveaux immigrants Sikhs Jat utilisent les performances traditionnelles du bhangra et du giddha comme un moyen de construire leur identité en relation avec leur patrie rurale. Staniec décrit la circulation des valeurs politiques qui vont de pair avec les pratiques de danse, qui voyagent avec les individus et les groupes de gens entre le pays d’origine et les communautés de la diaspora, ainsi qu’entre différentes communautés de la diaspora. Les revivals de danse folklorique examines par Nahachewsky sont souvent produits par des communautés d’immigrants qui sont elles-mêmes le produit d’un movement transnational de personnes ; les pratiques de ce renouveau prennent forme également en fonction d’histoires spécifiques de transmission, de pratiques et d’idées associées, entre les différentes communautés de ces revivals.
L’importance de l’incorporation de la connaissance se laisse entrevoir dans plusieurs de ces articles. Par exemple, les réflexions de Katherine Cornell au sujet de ce qu’elle avait ressenti devant la chorégraphie de Marie Chouinard, Des feux dans la nuit, se concentrent sur le transfert de la chora, de la danseuse aux spectateurs, à travers la tranquillité et l’agitation soudaine particulières à cette oeuvre. L’analyse de Cornell souligne le pouvoir du corps, non seulement chez la danseuse en action, mais sur le spectateur qui la regarde tout autant. L’article de Cauthery se penche sur l’incarnation de la transe par la danseuse Margie Gillis dans le cadre de ses chorégraphies comme une manière à la fois de se connecter au public et de donner une représentation visuelle de son approche philosophique de la vie. Quick décrit la manière dont elle a appris la gigue de la Rivière Rouge, mettant de l’avant l’importance pour elle de ce type de connaissance kinesthésique pour sa compréhension d’ensemble de la signification de la gigue de la Rivière Rouge. De son côté, Mooney a demandé aux danseurs de décrire en quoi les différentes performances du bhangra affectent leur compréhension d’eux-mêmes et de leur relation avec leur patrie, le Pendjab, autant que leur nouvelle vie au Canada.
Le rapport entre musique et danse est important bien que, et le fait est étonnant, beaucoup d’études sur la danse aient eu tendance à l’éluder ; la musique en tant qu’élément intrinsèque de la danse est évoquée dans plusieurs articles de ce numéro. Quick, d’un point de vue d’ethnomusicologue, nous offre une description détaillée de la gigue de la Rivière Rouge, y compris les pas et la chorégraphie, en relation avec les airs particuliers utilisés le plus souvent pour cette performance. Mooney explique également la relation entre musique et danse, en particulier la manière dont les changements de l’une influencent l’autre. Cornell utilise pour approche, non la relation entre la danse et la musique, mais la connexion entre la danse et le spectateur qui écrit. Ses descriptions autoethnographiques de ses réponses kinesthésiques à l’oeuvre de Chouinard offrent des réminiscences de musicalité à travers ses yeux de spectatrice.
Enfin, ce recueil d’articles fournit des aperçus sur beaucoup de questions qui feront l’objet de travaux ultérieurs dans les études de danse au Canada. Nous espérons que ce numéro thématique inspirera d’autres travaux à des chercheurs préoccupés par le clivage entre les études de danse et d’ethnologie sur le plan de la mise en oeuvre d’approches ethnographiques et anthropologiques de la danse au Canada. En tant que rédactrices invitées, nous avons dû procéder à certains choix, afin que les différents articles s’accompagnent les uns les autres dans ce numéro spécial, surtout sur le plan de la convergence des longues lignées géographiques, ethniques et historiques que l’on trouve dans un pays aussi grand et diversifié que le Canada. Ce numéro thématique expose un large spectre de danses historiques et contemporaines, se penche sur un certain nombre de communautés, de regions et de groupes ethniques dans le cadre du milieu complexe de ce que signifie être un danseur au Canada. Si l’ethnicité, la région et la communauté peuvent être les marqueurs de l’hégémonie, de la résistance, du pouvoir politique et de la contestation, alors la danse peut être considérée comme l’incarnation de tels concepts. C’est en premier lieu par l’intermédiaire de l’ethnographie que les questions sociales et culturelles que la danse met en lumière peuvent être mises au jour et comprises. La recherche ethnographique sur la danse au Canada commence à s’intéresser aux questions essentielles d’identité et de communauté. Nous espérons que ce numéro spécial, destiné à ces nombreux chercheurs très qualifiés dont les travaux se penchent sur ces sujets, contribuera de ce point de vue à encourager nos travaux continus, dans un esprit d’entraide mutuelle.
Références
Hanna, Judith Lynne, 1988, Dance, Sex and Gender. Signs of Identity, Dominance, Defiance and Desire. Chicago, University of Chicago Press.
Kaeppler, Adrienne L., 1992, « Dance ». Dans Richard Bauman (dir.), Folklore, Cultural Performances and Popular Entertainments. Oxford, Oxford University Press : 196-203.
Kealiinohomoku, Joann Wheeler, 1969, « An Anthropologist Looks at Ballet as a Form of Ethnic Dance ». Journal for the Anthropological Study of Human Movement 1 (2) : 83-97.
———. 1972, « Folk Dance ». Dans Richard M. Dorson (dir.), Folklore and Folklife. An Introduction. Chicago, University of Chicago Press : 381-404.
Spalding, Susan Eike et Jane Harris Woodside (dir.), 1995, Communities in Motion. Dance, Community and Tradition in America’s Southeast and Beyond. Westport CT, Greenwood Press.
Cet article offre une brève esquisse biographique de Gertrude Kurath en la présentant comme une figure centrale du vingtième siècle parmi les spécialistes de la danse. Nous insisterons sur son rôle dans l’émergence des travaux universitaires portant sur la danse et sa mise en valeur de la relation entre les études sur la danse, l’anthropologie et l’ethnomusicologie. Cet article examine en détail deux traits spécifiques de son apport : ses recherches de terrain visionnaires ainsi que le caractère novateur de la notation du mouvement. Ses recherches de terrain ainsi que le recours à la notation sont mises en contexte au travers des recherches considérables qu’elle a menées sur la danse amérindienne.
Les ethnochorégraphes sont désormais plus ouverts à l’étude des groupes de danseurs qui font renaître les danses folkloriques, même si la terminologie courante ou les cadres conceptuels leur font toujours défaut. Basés sur les motivations et les priorités de leurs participants, les groupes de danseurs peuvent être identifiés comme « ceux qui prennent du plaisir », « ceux qui préservent », « ceux qui donnent à voir », « ceux qui créent » ou encore « les vedettes en tout ». Plusieurs exemples montrent comment chacune de ces stratégies peut influencer les structures organisationnelles, les danses et d’autres aspects des activités de ces groupes. Ces catégories conceptuelles sont présentées avec l’idée qu’elles pourraient être utiles aux chercheurs, aux législateurs ainsi qu’aux représentants de groupes de danseurs.
Une série de séminaires portant sur la danse s’est déroulée dans la Saskatchewan de 1971 à 1991 ; ils étaient organisés par une organisation politique et culturelle de gauche, l’Association pour les Canadiens Ukrainiens Unis. Ces séminaires ont grandement influencé le développement de la danse ukrainienne dans la Saskatchewan et au Canada en introduisant de nouvelles techniques de danse, de nouvelles chorégraphies et de nouveaux costumes en provenance de l’Union Soviétique. Ils ont été également très controversés, remettant en question la définition de l’identité ukrainienne canadienne au Canada à l’époque soviétique.
La gigue de la Rivière Rouge est une mélodie jouée au violon ainsi qu’une danse qui ont une résonance particulière pour les Premières Nations et les Métis du nord et de l’ouest du Canada. Je m’intéresse ici à la pratique de ce modèle de danse dans différents cadres temporels et spatiaux. Cet article fait partie d’un projet plus vaste dans lequel j’analyse le lien entre l’identité, la représentation et le patrimoine métis en utilisant le concept de « poétique sociale » de Michael Herzfeld (2005) pour évaluer la gigue de la Rivière Rouge non seulement en tant que forme représentative du patrimoine métis mais encore comme une forme performative fruit de l’interaction sociale. En premier lieu, je retrace ici sa mise en scène à travers le temps avant de décrire sa forme et son mode d’apprentissage dans des contextes contemporains en Alberta et dans l’ouest canadien plus généralement. Enfin, j’analyse la gigue de la Rivière Rouge, ou certains de ses aspects, telle qu’elle émerge dans d’autres danses ainsi que dans d’autres contextes performatifs au-delà des frontières catégoriques de la musique et de la danse, afin de considérer les poétiques sociales de la gigue de la Rivière Rouge à l’intérieur de sphères de pratiques plus vastes.
Cet article traite des représentations de danses folkloriques du Punjabi : la bhangra et la giddha dans différents contextes canadiens. Après avoir introduit la notion d’identité punjabi, cet article offre une brève description des formes que revêtent ces danses, de leurs origines agraires et de leurs natures sexuées, ainsi que du type d’événements au cours desquels ces genres de danses sont performés chez les Punjabis canadiens, et plus spécifiquement les Jat Sikhs. Je défends l’idée que non seulement ces danses expriment et entretiennent l’identité punjabi dans des contextes diasporiques, mais également que ces identités font référence à un « imaginaire rural » jat qui se construit activement au travers de la danse et de la musique en réponse au phénomène de migration urbaine et transnationale. Cet imaginaire rural est usurpé par l’occidentalisation grandissante et la popularité croissante de la bhangradans la diaspora non jat du sud de l’Asie, ce qui remet en question le rôle crucial, le sens et l’identité jat.
Le step dancing à Terre-Neuve et au Labrador a subi un important changement contextuel afin de conserver sa pertinence en tant qu’objet culturel et genre performatif ; et le contexte dans lequel il se développe, ainsi que sa fonction, continuent d’évoluer à l’heure actuelle tout en collant à l’identité collective de Terre-Neuve. Au travers de l’étude des danseurs de St Pat, un groupe de jeunes « step danseurs » de St John’s, cet article aborde des questions philosophiques plus larges concernant l’authenticité, le patrimoine et le renouveau dans la danse vernaculaire. L’exemple des danseurs de St Pat associe les notions de mise en valeur et de conservation du patrimoine à la marchandisation de la culture au travers du sentiment identitaire irlandais qui prévaut à Terre-Neuve.
En revenant sur son enquête de terrain menée chez les Malgaches de Mayotte dans l’ouest de l’océan Indien, l’anthropologue canadien Michael Lambeck s’interroge à savoir pourquoi l’ouest fait preuve d’une telle « cécité » à l’égard de la transe en tant qu’activité humaine. En creusant cette « cécité » spécifique à l’Occident, j’en suis venu à argumenter que la transe, en lien avec les archives ethnographiques, peut être perçue comme un attribut ou une caractéristique de l’Autre. Dans cet article, il est question de la danseuse canadienne, contemporaine et reconnue, Margie Gillis, et de sa relation avec la transe dans ses pratiques créatives et scéniques. La transe devient un autre point d’entrée, qui n’a pas attiré l’attention du vivant de Gillis, pour comprendre à la fois le rôle de la danseuse comme interprète ainsi que ce qu’interprétait son corps.
Cet article emprunte le concept de chora, cher à Julia Kristeva, pour décrire et analyser le corps du danseur ainsi que le corps du spectateur. Dans La révolution du language poétique, Kristeva postule que la chora est analogue aux rythmes kinésiques et vocaux du corps. En tant que spectatrice et que danseuse confirmée, je trouve que mon corps réagit instantanément et rythmiquement aux spectacles de danse, établissant ainsi un lien avec la chora. En conséquence, l’acte d’écrire devient la manifestation physique de l’expérience théâtrale. Dans mes recherches, je m’interroge à savoir quel rôle le corps joue-t-il dans la transmission de la danse au langage ? Comment l’essence de la chora est-elle transmise du danseur au spectateur de la performance ? Les écrits de Julia Kristeva, Roland Barthes et John Martin apportent des bases théoriques importantes pour l’étude du corps qui permettent de répondre à ces questions. Ayant conscience que dans chaque sujet se trouve une chora, j’examine le transfert de la chora du danseur au spectateur dans l’oeuvre de la chorégraphe montréalaise Marie Chouinard et, plus spécifiquement, au travers du danseur solo dans Des feux dans la nuit. Marie Chouinard est une des chorégraphes contemporaines parmi les plus reconnues au Canda et internationalement. Cet article examine l’impact du corps qui danse sur le spectateur.