Volume 30-2

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Vol. 30-2 – 2008

Regular Issue

Articles

Pauline GREENHILL, Diane TYE, Holly EVERETT

Introduction

Pauline : Puisque je suis l’aînée des chercheuses de cette troïka — je suis arrivée seulement un an avant Diane Tye dans la discipline de l’ethnologie et dix-neuf ans avant Holly Everett, en commençant ma maîtrise à Memorial en 1977 —, je veux partager mon premier souvenir de Peter Narváez en tant qu’enseignant. Kenny Goldstein, alors directeur du département de folklore, enseignait le cours de base pour les étudiants gradués. Il nous expliqua qu’il ne comprenait pas ce qu’était le structuralisme et que, donc, le théoricien du département, Peter, allait venir en classe nous l’exposer. Je me souviens de la peur que nous inspirait la théorie et du sentiment d’admiration et de respect pour celui qui la comprenait. Sentiments que je perçois souvent chez mes propres étudiants encore aujourd’hui. Et je me souviens que le cours de Peter fut ma première introduction à une position théorique qui a profondément influencé mon propre travail (j’en suis parfois même un peu gênée : c’est tellement rétro à présent).

Je me souviens également que Peter représentait le meilleur exemple du genre de chercheur que l’on nous donnait en exemple : quelqu’un qui était intellectuellement immergé dans la discipline, mais qui respectait également profondément les gens avec lesquels il travaillait et qui était, en effet, un participant ainsi qu’un observateur de la culture traditionnelle. Je n’en avais pas conscience à l’époque, mais les origines de Peter, son appartenance à un groupe ethnique marginalisé aux États-Unis, a probablement été une pierre de touche cruciale à sa profonde compréhension de l’économie politique de Terre-Neuve et de la culture canadienne. Il fut le premier parmi les professeurs qui enseignaient à Terre-Neuve lorsque j’étais étudiante à reconnaître que j’étais devenue une collègue. C’est un plaisir et un privilège de faire partie du groupe qui lui offre ce modeste présent.

Diane : En tant qu’étudiante graduée, je fus également inspirée par la passion de Peter pour le folklore. Sa maîtrise impressionnante des bases théoriques de la discipline a contribué à renforcer les assises de mon propre travail. C’était un professeur très pointilleux mais aussi très généreux et si ce furent ses grandes exigences qui me firent aller de l’avant en tant qu’étudiante, c’est de sa gentillesse dont j’ai le plus fort souvenir en tant que collègue. À mon arrivée au département de folklore en tant que professeure en 1995, je fus immédiatement frappée par la générosité de Peter. Invariablement, c’était Peter qui prenait la parole pour prendre la défense d’un étudiant qui avait besoin d’un peu plus d’aide et sa compassion modifia la tournure de plusieurs discussions entre professeurs. C’était également un collègue très généreux. Je me souviens précisément de sa réaction envers une directrice de département nouvellement promue, inquiète quant à sa capacité à satisfaire aux exigences du poste pendant les trois années qui allaient suivre. Les mots de réconfort de Peter furent immédiats, même si quelque peu surprenants venant de la part de ce fervent militant syndical, puisqu’il parlait au nom de ses collègues enseignants : « Ça va aller. Nous serons là pour vous aider ». J’ai pu très vite voir comment ses gestes de gentillesse quotidiens changèrent la vie des gens — certains d’entre eux n’avaient même pas conscience qu’ils avaient bénéficié de son aide — et combien ces gestes les ont énormément guidés.

Holly : À Memorial, au début de chaque année universitaire, le directeur du département de folklore et le conseiller aux études supérieures rencontrent les nouveaux étudiants gradués. L’année où j’ai commencé ma maîtrise, Peter occupait le poste de conseiller aux études. Notre rencontre commença par quelques mots d’encouragement, que Peter formula devant une douzaine d’étudiants inquiets et impatients à la fois. Allons-nous réussir ? nous demandions-nous tous. Du moins, c’est ce que je me demandais. Peter disait alors, « Les études supérieures ne sont pas pour tout le monde ». Lisait-il dans nos pensées ? « Si vous décidez que ce n’est pas pour vous » poursuivait-il, « s’il vous plaît, venez m’en parler. Si vous voulez que nos discussions concernant les études supérieures ou le folklore s’arrêtent là, on peut parler d’autre chose, comme de baseball! » N’importe qui se trouvant derrière la porte à ce moment-là aurait pu entendre un soupir de soulagement collectif. On venait de nous donner une carte « Sortez de prison » et de nous rappeler que nous étions libres et que plusieurs avenirs étaient possibles, ce dont j’essaie de me souvenir lorsque je travaille avec des étudiants inquiets et dont les priorités diffèrent parfois considérablement des miennes.

Peu de temps après, un étudiant gradué de la promotion antérieure à la mienne attira mon attention sur une affiche au centre-ville. Peter allait jouer au Ship Pub ce soir-là. « On devrait absolument y aller », dit-il d’un ton enthousiaste. « Peter est un musicien fantastique ». Je n’avais jamais vu un professeur jouer dans un bar, pas à ma connaissance en tout cas. Je pensais aux professeurs que j’avais eus au premier cycle et je ne pouvais simplement pas imaginer la scène. J’allais bientôt m’apercevoir que beaucoup d’ethnologues se produisent en public, un fait qui me ferait d’autant plus apprécier la discipline et sa philosophie.

La connaissance détaillée que Peter possède de Terre-Neuve et du Labrador — ainsi que sa profonde affection pour la province — m’a également impressionné. La maigre connaissance que j’avais de la province avant mon arrivée s’est améliorée de façon significative pendant les cours de Peter. Ses cours magistraux sur le folklore et la culture de Terre-Neuve ont enrichi non seulement mes recherches mais également ma vie au-delà du campus universitaire.

Toutes : Ce numéro spécial rend hommage aux nombreuses contributions de Peter à l’ethnologie au Canada. Lorsqu’il reçut le prix Marius Barbeau1 en 2006 (dont le texte figure dans ce numéro), Peter décrit ses trente années de carrière en ethnologie comme « un processus de communication et de documentation des comportements expressifs traditionnels des cultures de la classe ouvrière ». Mais, ainsi que les articles de ce numéro spécial le démontrent, cette modeste caractérisation minimise de beaucoup l’impact considérable de son oeuvre à la fois sur la construction de la théorie à un niveau interdisciplinaire et sur la compréhension des genres spécifiques à l’ethnologie, depuis la musique et l’ethnologie du travail, jusqu’aux coutumes et aux croyances.

Pendant plus de trente ans, de 1974 à 2005, date où il partit à la retraite, Peter Narváez fut une pièce maîtresse du département de folklore à l’Université Memorial. Son enthousiasme a attiré un nombre incalculable d’étudiants vers la discipline. Ses grandes exigences académiques, doublées d’une capacité à soutenir les étudiants comme professeur et mentor, incitèrent les étudiants à atteindre des niveaux d’excellence et en firent un professeur, un directeur de thèse extrêmement sollicité. Quelques-uns des nombreux étudiants qu’il a influencés ont contribué à ce volume : Kelly Best, Ian Brodie, Pat Byrne, Martin Laba, Ronald Labelle, Richard MacKinnon, James Moreira et Jodi McDavid, ainsi que les rédactrices de ce numéro. D’autres, comme Joy Fraser ou Michael MacDonald, représentent la deuxième génération d’une généalogie académique, à qui les élèves de Peter ont enseigné et/ou qui ont été influencés par les écrits de ce dernier.

Dans ses cours, Peter présentait l’érudition sous la forme d’un dialogue continu. Ses étudiants se souviennent de son enthousiasme pour sa matière, de sa perspective critique et de ses modestes traits d’esprit. Un exemple de ce sens de l’humour, dont Holly a fait la première fois l’expérience lors de l’intervention d’un conférencier dans le cadre d’un cours de méthodes de recherche, se retrouve dans le discours qu’il fit à l’occasion de la remise du prix Barbeau. Aucun de ceux qui ont entendu Peter parler de la nuit qu’il a passée avec Ralph n’omet de réserver à l’avance un endroit où dormir pendant ses enquêtes de terrain.

Les contributions animées de Peter aux échanges interdisciplinaires ne se limitent pas aux genres ou aux barrières entre disciplines. En gros, son travail est le reflet de ce qui serait actuellement appelé les études culturelles, non seulement par ses sujets de recherche, mais aussi par sa définition critique et progressiste de la culture traditionnelle et populaire comme faisant front contre l’hégémonie. Ses intérêts sont très vastes ; il a mis en place et/ou enseigné une vingtaine de cours différents durant sa carrière à Memorial. Il s’est aussi positionné par rapport à certains genres et champs fondamentaux de la discipline. Il fut considéré comme l’expert du département en théorie folkloristique, de la culture populaire, de l’ethnologie du travail, ainsi que de ses spécialités de recherche : les chansons et la musique populaires, essentiellement le blues. Les collections qu’il a publiées reflètent cet éclectisme, depuis Media Sense. The Folklore-Popular Culture Continuum (avec Martin Laba, 1986) en passant par The Good People. New Fairylore Essays (1991), jusqu’à Of Corpse. Death and Humor in Folklore and Popular Culture (2003). La longue liste de ses communications savantes, des conférences et cours magistraux qu’il a donnés en tant que professeur invité ainsi que ses nombreux articles couvrent une gamme encore plus large. Plusieurs de ses travaux témoignent de son intérêt prédominant pour la musique populaire et le blues, alors que d’autres explorent des aspects de la culture terre-neuvienne, au carrefour de la musique et de la chanson populaires, des coutumes et des croyances, du récit, de la culture populaire et de l’ethnologie du travail.

Suivant l’exemple remarquable de Peter, les articles de ce numéro spécial remettent en question les frontières et les définitions disciplinaires et permettent également de comprendre un ensemble d’expressions culturelles vernaculaires, incluant la chanson de contestation, la broadside, le festival, le mummering, la légende, la croyance aux sorcières, le monologue humoristique et la parodie. Au cours de leurs analyses, les auteurs reprennent beaucoup de questions de recherche et de dynamiques qui sous-tendent l’oeuvre de Peter et que ce dernier a mises en valeur. Nous considérons ce numéro spécial comme une contribution à un dialogue entre chercheurs autour des sujets fondamentaux dont Peter a influencé la réflexion, entre autres la tradition, l’appartenance et le pouvoir.

Avec des auteurs appartenant à divers champs incluant l’anthropologie, les études communautaires, les études acadiennes, l’archivistique, les études en communication, la littérature anglaise, l’ethnomusicologie, le patrimoine et la culture, ainsi que l’ethnologie, le caractère éclectique de ce numéro fait écho aux propres travaux de Peter. Tout au long de sa carrière, il n’a cessé de partager des perspectives propres à l’ethnologie avec des chercheurs en études culturelles et en ethnomusicologie et de s’inspirer des leurs. Il fut également un membre actif de l’International Association for the Study of Popular Music. À Memorial, il joua un rôle particulièrement décisif dans la création d’une chaire de recherche en musique traditionnelle/ethnomusicologie et par la suite d’un programme d’études supérieures en ethnomusicologie.

Ceci dit, l’ethnologie est la patrie intellectuelle de Peter et à l’inverse de ces folkloristes pour qui le mot « folklore » est une grossièreté, Peter l’utilise avec fierté. Il a été un défenseur acharné des études en folklore et en ethnologie au Canada et ses efforts ont permis d’instituer et de donner par la suite de nouvelles orientations à la discipline au Canada anglais. Reconnaissant cette contribution, Jack Santino, qui en était alors le rédacteur en chef, lui proposa de publier un numéro spécial du Journal of American Folklore consacré à l’ethnologie canadienne. Parce que Peter a toujours été sensible à la politique de l’identité, tout en restant raisonnablement critique de ses préceptes, il sentit qu’il serait pertinent, étant lui-même né aux États-Unis, de demander à une chercheure en études canadiennes née au Canada de se joindre à lui ; il en résulta le travail de Pauline comme corédactrice pour ce projet (2002). Peter est un membre de longue date de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore, dont il fut le président en 2001-2002. Son profond engagement pour la folkloristique au Canada et dans le monde fait de la revue Ethnologies un lieu particulièrement approprié pour rendre hommage à l’oeuvre de Peter Narváez, d’autant plus que cet hommage coïncide avec le trentième numéro de la revue.

Faisant écho aux intérêts de Peter, trois des articles de ce numéro spécial (MacDonald, MacKinnon et Moirera) analysent plusieurs dimensions de la chanson traditionnelle. En dépit de son large champ d’intérêt, c’est vers la chanson traditionnelle que Peter s’est le plus souvent tourné, ayant ainsi publié plus de trente articles sur la question ; c’est également le genre qu’il a exploré le plus en profondeur au cours des dernières années. Dans « Protest Song and Verse in Cape Breton Island », Richard MacKinnon décrit Peter comme un pionnier de l’étude de l’ethnologie du travail et de la chanson de protestation. La thèse de doctorat de Peter, qui portait sur les chansons de contestation d’un syndicat en grève à Buchans (Terre-Neuve), fut le point de départ de plusieurs articles et engendra ultérieurement d’autres analyses, incluant une analyse de la chanson vernaculaire qui fit suite au moratorium sur la morue à Terre-Neuve. Richard MacKinnon et Michael MacDonald explorent les croisements de la chanson et du changement social. MacKinnon analyse le rôle qu’ont joué la chanson et la poésie de contestation dans les luttes des travailleurs à l’île du Cap-Breton dans les années 1920, tandis que Michael MacDonald s’intéresse, dans « The Best Laid Plans of Marx and Men », au Winnipeg Folk Festival comme point de rencontre entre ses convictions politiques trotskistes et sa passion pour la musique traditionnelle de Michael Podolak, figure de la renaissance de la musique traditionnelle canadienne. L’article de James Moirera, « Fictional Landscapes and Social Relations in Nineteenth-Century Broadside Ballads », situé dans le contexte de la vie des travailleurs ruraux, s’attache aux questions liées à la chanson en relation au changement technique et à la modernité, une extension d’une partie du travail de Peter sur le Premier ministre de Terre-Neuve Joseph R. Smallwood et l’utilisation qu’il faisait du folklore dans son émission radiophonique « The Barrelman ».

Cinq articles font écho à l’intérêt de Peter pour la narration. Dans « The Fiddle Burning Priest of Mabou », Jodi McDavid offre plusieurs versions d’une légende, mettant en scène un curé qui brûlait des violons, qui agit comme moyen non seulement de négociation de pouvoir entre les catholiques et le clergé, mais aussi des tensions entre la culture vernaculaire et la culture officielle. L’article de Ronald Labelle, « Native Witchcraft Beliefs in Acadian, Maritime, and Newfoundland Folklore », s’intéresse aux légendes et aux croyances acadiennes liées à la sorcellerie comme indicateurs de comportements réciproques et d’échanges avec les Mi’kmaq. Dans « Stand-up Comedy as a Genre of Intimacy », Ian Brodie repousse les définitions conventionnelles de la légende pour inclure le monologue humoristique qui, affirme-t-il, est un moyen d’expression résultant d’une collaboration, qui est interprété, développé et qui prend forme grâce à la réaction du public. Joy Fraser et Pat Byrne explorent des récits recontextualisés — de genres certes différents — en examinant les sens originaux que prennent des expressions vernaculaires dans de nouveaux contextes. Fraser déconstruit une comédie faisant partie du souper de Robert Burns dans « Performing Tradition and Ethnicity at the Newfoundland St Andrew’s Society Burns Supper », alors que la préoccupation de Byrne pour « The Ambivalence of Tradition in the Short Stories of Alistair MacLeod » vise la culture traditionnelle au travers de l’oeuvre de fiction d’un des meilleurs écrivains canadiens.

Deux autres articles répondent à des préoccupations théoriques influencées par la politique chères à Peter. Dans son article « “Making Cool Things Hot Again” : Blackface and Newfoundland Mummering », Kelly Best adopte le type d’analyse culturelle que Peter appliquait aux rites funéraires et aux croyances liées aux fées en mettant à jour les dynamiques raciales sous-jacentes au mummering quand la culture populaire rencontre la tradition vernaculaire au travers de la blackface. Dans « Parsing the Popular », Martin Laba poursuit sa collaboration ultérieure avec Peter dans Media Sense, en explorant les dimensions d’actions communicatives de l’expression traditionnelle comme moyen de créer et de maintenir des espaces sociaux partagés. En insistant sur la fluidité du folklore et de la culture populaire, Laba, de même que Best, Fraser et Byrne, problématisent le concept de tradition, tout comme Laba, Best, Brodie, Fraser et MacKinnon, Moreira et MacDonald encouragent les ethnologues et leurs collègues issus d’autres disciplines à réfléchir aux dynamiques du changement et à la capacité du mode d’expression vernaculaire non seulement à s’adapter au changement mais aussi à le produire.

Il n’est pas surprenant que la plupart des articles de ce recueil s’intéressent aux marges plutôt qu’au centre, car ce sont ces zones, et le marginal plutôt que le dominant, qui ont motivé les intérêts de recherche de Peter. Situé aux limites des espaces disciplinaires (Laba et Brodie), des espaces ruraux (Moreira, Byrne et McDavid), de la culture ouvrière (MacKinnon), de la politique (MacDonald) ou encore de la race et de l’ethnicité (Labelle, Best et Fraser), la tonalité d’ensemble fait écho à la thématique centrale des travaux de Peter. En ouvrant des espaces de résistance, ces articles mettent en lumière le pouvoir de l’ethnologie en tant que moyen d’expression contre-hégémonique ou, selon les termes de Martin Laba, sa « capacité considérable à s’opposer ». Tel est en réalité l’espoir de Martin Laba pour la discipline de l’ethnologie dans son ensemble : qu’elle soit un catalyseur du changement, quand il décrit son potentiel « à contribuer de façon substantielle à l’analyse critique des médias, de la culture populaire et de la communication ». En explorant les tensions entre la tradition et le changement social ainsi que celles liées à la tradition en tant que changement social, les articles de ce numéro révèlent le pouvoir de la chanson, du récit, des coutumes, du théâtre et de l’humour vernaculaires à faire la différence.

Dans le discours qu’il prononça lors de la remise de la Médaille Barbeau, Peter parle de la nature transformative du travail. Ce numéro d’Ethnologies témoigne de la nature transformative de son propre travail et des nombreuses façons par lesquelles son savoir et les cours qu’il a donnés en ont inspiré d’autres et ont permis aux études ethnologiques canadiennes de prendre forme.

 Notes

1. Depuis 1978, L’Association canadienne d’ethnologie et de folklore (ACEF) récompense les contributions les plus remarquables au folklore ou à l’ethnologie. En 1985, ce prix fut rebaptisé la Médaille Marius Barbeau, en hommage au Canadien le plus renommé pour sa contribution à la discipline au plan international.

[p. 13-20]

Peter NARVÁEZ

Ethnologie et marginalité

C’est un grand honneur que de recevoir le Prix Marius Barbeau et je me sens tout petit en compagnie de mes distingués prédécesseurs. Je vous remercie du fond du coeur, avec une gratitude particulière pour mes collègues Diane Tye, Pauline Greenhill, Holly Everett et Neil Rosenberg, ainsi qu’à tous mes anciens étudiants qui participent aux groupes de discussions thématiques liées à mon travail1.

En tant qu’immigrant hispanique au Canada, d’ascendance mexicaine et portoricaine et dont les parents viennent de la classe ouvrière, je me considère extrêmement chanceux d’avoir pu mener une carrière en ethnologie et musicologie au Département d’ethnologie de l’université Memorial de Terre-Neuve, un lieu si inspirant. Pendant trente ans, j’ai eu l’immense satisfaction de travailler à documenter et à faire connaître les comportements expressifs traditionnels des cultures de la classe ouvrière. Les travaux des folkloristes, des ethnologues et des ethnomusicologues ont depuis longtemps reconnu l’importance sociale des arts vernaculaires et j’ai beaucoup apprécié de pouvoir y contribuer.

En tant que chercheur spécialisé dans l’ethnologie des métiers, je réalise aussi que le travail est transformatif – tout le monde est affecté par son travail. Donc, qu’ai-je retiré de mon travail de professeur d’ethnologie (à part mon penchant à enseigner par indices et énigmes, déformation professionnelle familière à nombre d’entre vous) ? La réponse est : mon grand répertoire d’histoires de métiers. Je pense donc qu’il est approprié, à l’occasion de ce rite de passage occupationnel, de raconter brièvement mes liens avec cette remarquable profession au moyen de quelques courts récits à titre d’exemple. Mais tout d’abord, ma connexion identitaire avec Terre-Neuve en tant qu’ethnologue, « parrain du blue » et « CFA» ou « NBC». Pendant mon long séjour dans la région, on m’a posé une question personnelle si souvent que j’en ai perdu le compte : « D’où vient ce nom, Narváez ? »

Mes réponses à cette interrogation sur mon nom ont fini par atteindre des proportions très élaborées. La lassitude et l’ennui d’avoir à répéter sans cesse mon explication initiale entrent sans doute en compte dans ce qui a fini par devenir une incursion audacieuse dans le monde créatif des facéties verbales. La première réponse que j’avais l’habitude de donner à cette question au sujet de mon nom était tout simplement la vérité, que « Narváez » est un nom d’origine espagnole qui me vient, du côté de ma mère, de ma famille éloignée de Porto Rico. Mais, comme le savent bien tous les conteurs, la vérité est plutôt limitative. Aussi ai-je créé deux versions alternatives, que d’un point de vue ethnologique on appellerait des « variantes », de ce récit étiologique. L’une fait entrer en jeu un motif de lieu, en substituant la « baie des Espagnols » qui se trouve dans la baie de Conception à Terre-Neuve, à celle de Porto Rico. Une autre explication emmène le récit encore plus loin. Lorsqu’une personne un peu au fait de cette région me demande, « mais je n’ai jamais entendu le nom Narváez dans la baie de Conception », je rétorque : « Vous voyez, dans l’usage commun, le nom s’entend toujours sous sa forme traduite – Narváez est devenu Noseworthy !» J’ai aussi toute prête une explication définitive pour ce qu’une personne ayant un nom comme le mien fait ici au Canada. Je dis : « Je suis l’un des membres de ces premières vagues de la grande horde hispanique qui migre lentement vers le nord ». Mais bien que j’aie toujours fait ce commentaire en plaisantant, cela m’attriste de voir que les évènements récents aux États-Unis témoignent de ce que de grands pans de la société nord-américaine acceptent ce stéréotype de la « horde » latine.

Les récits au sujet de mon nom de famille peuvent être considérés comme du folklore familial, mais ils font aussi la preuve de ma marginalité ethnique. En tant que marginal, je me trouve en nombreuse compagnie. Puisqu’elle recouvre un large spectre de conditions sociales, l’ethnologie de la marginalité, qui est souvent l’ethnologie de cette confusion générée par la participation culturelle à plus d’un groupe, est l’une des trames les plus communes du comportement expressif dans la vie contemporaine et elle joue un rôle prééminent dans mes récits occupationnels. En fait, je me suis trouvé confronté au cas spectaculaire de la marginalité de quelqu’un d’autre le premier jour de mon installation à Saint John’s. Il y a trente et un ans que j’ai déménagé de l’État du Maine à Terre-Neuve. Il s’avéra plus tard que ce déménagement serait le voyage de ma vie. Ma demande pour obtenir le statut d’immigrant reçu s’était bloquée en cours de processus et la soirée d’adieu que m’avaient organisée mes amis de Harrison, dans le Maine, à la fin du mois d’août, se prolongea de manière très embarrassante. Après des embrassades et des adieux pleins de larmes, les jours et la semaine passèrent, et malgré des coups de fil quotidiens à l’Ambassade du Canada, mes papiers officiels n’arrivaient pas. Finalement, après dix jours d’attente, lassé d’éviter mes amis et de plonger dans les coins pour éviter le redoutable « T’es encore là, Peter ? », je mis mes affaires dans la voiture, roulai jusqu’à Boston et me garai près de l’Ambassade du Canada. Pendant une semaine, je dormis dans ma voiture, mangeai du fast-food et allai voir des films étrangers. Enfin, un matin de la mi-septembre, ma requête matinale habituelle à l’Ambassade fut accueillie par la réponse : « Vos papiers sont arrivés ! »

Trois jours de tribulations plus tard, j’arrivai à Saint John’s. Il était plus de onze heures du soir et ma forme n’était pas brillante. Ou plus précisément, j’étais malade, avec une paralysie faciale qui m’obligeait à porter une pastille sur l’oeil gauche parce que mes paupières ne se fermaient plus. En plus, une attaque de bafouillage m’empêchait presque totalement de prononcer des mots avec le son « f », comme « folklore » par exemple. C’étaient les conséquences déplorables de la paralysie faciale périphérique, affection contractée pendant mon long périple en voiture depuis la Nouvelle-Angleterre. En plus de cet inconfort évident, un trajet retardé à cause du ferry Argentia m’avait laissé une faim criante. J’étais affamé. Par bonheur, au bout de quelques minutes je repérai sur la rue Water une toute petite boutique de pizzas à emporter appelée « Napoli’s ». Comme j’étais l’unique client, le caissier-serveur-cuisinier (que tout le monde appelait « monsieur Napoli », comme je le découvris plus tard), me servit deux parts d’une pizza délicieuse que je commençai à dévorer avec délectation. Je lui dis aimablement : « Votre ville est vraiment très accueillante. J’emménage ici ». Pendant un instant, le regard horrifié de monsieur Napoli me fit croire que ma remarque amicale avait été mal comprise. « Il ne faut pas ! Il ne faut pas ! », implora-t-il. Puis, se rapprochant de moi, il m’avertit, d’un air sombre : « Cet endroit est rempli de menteurs ! D’escrocs ! De voleurs ! » Bien que je sois né à New York, à Brooklyn, j’ai grandi dans une assez petite ville du New Jersey, aussi, en emménageant à Saint John’s, je me rendais dans la plus grande ville où j’avais jamais vécu. Donc, pendant plusieurs jours, avant de réaliser que je venais d’arriver dans l’un des endroits les plus chaleureux de la terre, je pris l’avertissement de monsieur Napoli très au sérieux ; après tout, pour moi, c’était une grande ville. Au fil des mois, j’ai découvert une cause possible à cette amertume ; il avait fait la mauvaise expérience de problèmes d’immigration pour sa famille et de plus, il se battait contre la mairie pour pouvoir obtenir un permis de servir de l’alcool dans le restaurant qu’il avait proposé. Ce restaurant finit par ouvrir, mais monsieur Napoli n’obtint jamais le permis de servir de l’alcool. Il créa un système alternatif. Lorsque je passai ma commande, il me demandait si je voulais aussi le « café spécial » de la maison, qui en fait était un verre de chianti servi dans une tasse à café.

Je fis peu après, en tant qu’immigrant, mes propres expériences de la marginalité. La première impliquait la prononciation régionale de l’anglais de Terre-Neuve et m’arriva en classe. Pour situer le contexte, je parlai du fonctionnalisme social en ethnologie et j’expliquai les différences entre les fonctions latentes et les fonctions manifestes. En renvoyant les concepts à la classe, je leur demandai combien il pouvait exister de raisons sociales, implicites mais réelles, à divers comportements coutumiers, comme par exemple à l’organisation d’une soirée d’étudiants de première année où l’on pouvait boire et danser. Il y eut l’habituel temps de silence durant lequel j’attendais une réponse. Enfin, un jeune homme au second rang affirma : « Sexe ! » « Sexe ? » répétai-je d’un ton railleur. « Oui, sexe ! » confirma-t-il. « Quoi, sexe ? » demandai-je, tandis que de nombreux étudiants commençaient à jubiler et glousser d’un air entendu. Exaspéré parce qu’il venait de donner une bonne réponse et que de toute évidence celle-ci était mal comprise, l’étudiant cria une dernière fois « sexe ! sexe ! » « Compris ! », lui dis-je d’un air accablé, réalisant ma méprise devant sa manière de prononcer le « six » anglais, et sachant désormais que jamais, jamais plus je ne confondrai les sons ê et i dans l’anglais de Terre-Neuve.

Ma propre marginalité se manifesta de manière encore plus spectaculaire pendant mon premier travail de terrain à Terre-Neuve. Cela se produisit dans une famille, dans un tout petit port de pêche sur un rivage solitaire. J’arrivai le soir et après quelques propos aimables échangés autour d’un thé et de biscuits, je mis mon magnétophone en marche et écoutai quelques merveilleuses chansons et des monologues. Au bout de deux heures, je dis que je devrais m’en aller. « Mais où ? » me demanda-t-on. « Oh », dis-je innocemment, « dans le premier hôtel ou motel ». Tout le monde rit. « Il n’y en a pas dans les environs ; pourquoi ne restez-vous pas avec nous ? » me proposa quelqu’un. « Vous pourrez dormir dans la chambre de Ralph ». Ralph, un octogénaire, était le résident le plus âgé de cette famille étendue. Je leur répondis : « Génial ! » Mais lorsque l’on me mena à la chambre de Ralph, je crus d’abord qu’il devait y avoir une erreur, parce que je n’y vis qu’un lit de taille normale qui, après des années d’usage intensif, avait fini par prendre la forme d’un bol, les déclivités à pic des côtés menant à un centre profond. Essayant de surmonter ma panique ethnocentrique, je ne cessai de me dire : « C’est bien. Je dois apprendre à accepter des perspectives culturelles différentes. Il n’y a pas de problème ! » Mais il y en avait, des problèmes. L’un d’eux, je l’appris le soir même, était que pendant plus de vingt ans, Ralph et son frère avaient dormi ensemble dans ce lit et que, durant les nuits froides, Ralph aimait se pelotonner contre lui dans son sommeil. Cette nuit-là, que je passai à m’extraire de la puissante étreinte de Ralph pour m’accrocher aux rebords de ce lit vaisseau, n’eut rien de glorieux. De plus, lorsque je commençais à m’endormir, je relâchai ma prise sur le rebord du lit, ce qui me faisait glisser dans les profondeurs du milieu où je retrouvais à nouveau l’étreinte d’acier de Ralph. Après ce qui me sembla des heures, je finis par tomber dans un sommeil agité, uniquement pour être réveillé par Ralph, marchant à travers le lit dans son sommeil pour atteindre son pot de chambre au-dessous. Par malheur, en accomplissant cet acte d’équilibriste (je vous rappelle que le lit était creux), il me mit carrément l’un de ses pieds en plein sur la poitrine pour avoir un meilleur appui. Ma première pensée fut que j’étais en train de subir le pire cas de Old Hag5 jamais expérimenté ! Encore éveillé lorsque les premiers rayons du soleil levant finirent par apparaître, je me traînai en bas, clopinai jusqu’à la table de la cuisine et me mis la tête entre les bras. Peu après, un membre de la famille, Colleen, s’y aventura pour préparer le petit déjeuner pour tout le monde. En me souriant chaleureusement, elle s’enquit de savoir comment j’avais dormi. « Très bien ! » lui mentis-je avec un enthousiasme feint. Plus tard, regardant par la fenêtre de la cuisine en pensant à la longue route qui m’attendait, je me dis : « Pour l’observation participante, ça ira comme ça. À partir de maintenant, j’apporte mon sac de couchage ».

Notes

1. Cette allocution a été prononcée à Toronto, le 27 mai 2006, lors de la conférence et de l’assemblée générale annuelle de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore.

2. Abréviation de « comes from abroad » (qui vient de l’étranger).

3. Abréviation de « Newfoundlander by choice » (Terre-neuvien de coeur).

4. Équivalent de « nasillard ».

5. Littéralement « la vieille sorcière », dans la tradition populaire britannique et nord-américaine, qui s’assied sur la poitrine du dormeur pour lui envoyer des cauchemars ; elle personnifie la paralysie du sommeil et le cauchemar éveillé.

[p. 27-32]

Richard MACKINNON

Protest Song and Verse in Cape Breton Island

Sur l’île du Cap-Breton, où les mines de charbon et les aciéries constituaient autrefois une composante essentielle de la culture et de l’économie de la région, la chanson et le poème de contestation sont très courants. Cet article explore certains chansons et poèmes de contestation de l’île du Cap-Breton qui n’avaient jusque-là pas été étudiés. Le corpus de chansons provient pour la plupart du Maritime Labour Herald, un quotidien des années 1920 qui incluait des oeuvres composées sur place et ailleurs dans le monde. Dans le passé, certains ethnologues ont écarté les chansons de contestation car leurs paradigmes ne leur permettaient pas d’appréhender ces dernières comme des modes d’expression culturels authentiques. Leur approche soulève des questions complexes sur comment et par qui se construit l’authenticité. Mon propos ici est de démontrer qu’une tradition de chansons de contestation très évoluée a bien et bel existé et a joué un rôle important dans les luttes travaillistes des années 1920. En effet, ces documents vernaculaires affermirent la solidarité au cours des moments de bouleversement et de changement à l’île du Cap-Breton.

[p. 33-72]

Michael MACDONALD

« The Best Laid Plans of Marx and Men ». Mitch Podolak, Revolution, and the Winnipeg Folk Festival

Mitch Podolak déclara que « Pete Seeger et Léon Trotsky déterminent tout dans ma vie, et surtout le Winnipeg Folk Festival ». Cet article analyse la création du Winnipeg Folk Festival (WFF) en 1974 comme étant la première tentative de Podolak de marier ses dix années d’endoctrinement politique trotskiste avec sa passion pour la musique traditionnelle. Son intention était de créer un festival folklorique canadien qui incarnerait la résistance politique du mouvement international trotskyste et permettrait de mettre le système démocratique capitaliste canadien au défi sur le plan culturel. Très largement influencé par l’utilisation que le parti communiste étasunien faisait de la chanson traditionnelle, Podolak était convaincu que cette dernière ainsi que sa mise en spectacle étaient socialement importantes. Cette importance croyait-il venait de la cohésion sociale qui pouvait se créer dans l’espace performatif du festival. Une fois soigneusement organisé, cet espace était en mesure de créer du sens. Les rapports entre le directeur artistique, le chanteur traditionnel, la chanson et le public du festival s’entremêlent pour donner de façon dialectique un sens à la chanson et à l’espace qui simultanément définissent la musique traditionnelle.

[p. 73-92]

James MOREIRA

Fictional Landscapes and Social Relations in Nineteenth-Century Broadside Ballads

La Broadside Ballad [complainte traditionnelle imprimée] constitue une des formes les plus anciennes de culture populaire en Europe et en Amérique. Même si notre compréhension du genre, surtout en Amérique du nord, a été façonnée par des textes tirés de la tradition orale, beaucoup de ses caractéristiques thématiques et stylistiques révèlent que ses origines sont à chercher dans la presse populaire moderne. L’article examine les paysages fictionnels des « whiteletter ballads » tels que représentés dans le catalogue de G. Malcolm Laws et plus particulièrement les catégories de la lettre « M » à « P ». Ces ballades ont toutes pour thème central les relations amoureuses ; cependant, les espaces occupés par les personnages principaux et la manière dont les relations évoluent témoignent d’un intérêt marqué pour des problématiques sociales plus larges, telles que la séparation par l’émigration, les tensions entre les classes sociales et l’influence des institutions bureaucratiques.

[p. 93-114]

Jodi MCDAVID

The Fiddle Burning Priest of Mabou

Le père Kenneth MacDonald a été le curé de Mabou, à l’île du Cap-Breton, de 1865 à 1894. Les documents écrits le dépeignent comme un censeur social pratiquant une discipline très stricte : condamnant la consommation d’alcool, réprouvant les pique-niques et dictant à ses paroissiens pour qui il fallait voter. Toutefois, les écrits semblent passer sous silence l’événement dont les habitants parlent encore : comment il est allé de porte en porte pour brûler leurs violons. Bien qu’elle ne soit qu’une petite ville rurale, Mabou revêt une grande importance culturelle au Cap-Breton, en étant même considérée comme le berceau de la musique traditionnelle du Cap-Breton. C’est en effet le violon qui est l’icône centrale des manifestations à la fois traditionnelles et populaires de cette musique.

[p. 115-136]

Ronald LABELLE

Native Witchcraft Belief in Acadian, Maritime and Newfoundland Folklore

Les légendes et les croyances traditionnelles acadiennes ont été recueillies et étudiées par différents chercheurs, la première étant Catherine Jolicoeur, qui amassa approximativement 400 récits traitant de la population autochtone des Maritimes, alors qu’elle menait ses enquêtes de terrain dans les zones acadiennes du Nouveau-Brunswick. Cet article s’intéresse à la question de la croyance en la sorcellerie amérindienne, non seulement dans le folklore acadien mais également chez les anglophones des Maritimes et de Terre-Neuve, afin de mettre en valeur les ressemblances ou les différences entre leurs systèmes traditionnels de croyance ainsi que leurs attitudes envers les groups amérindiens. On établit une comparaison entre les positions des groupes catholiques et protestants, et on porte une attention particulière aux questions liées au sexe et à l’identité des « sorcières », en s’appuyant sur des sources allant du dix-septième au vingtième siècle. L’article démontre que durant toutes les périodes de l’histoire, depuis les premiers contacts entre les Européens et les populations autochtones des provinces maritimes, ces dernières ont été perçues par les Européens comme étant potentiellement dangereuses et elles ont été soupçonnées de posséder des pouvoirs surnaturels et malveillants.

[p. 137-152]

Ian BRODIE

Stand-up Comedy as a Genre of Intimacy

En se servant de l’amplification, les monologuistes humoristiques réussissent à créer une réaction naturelle de la part du public, en employant les modes du discours quotidien, interpersonnel, celui de la conversation, évitant ainsi dans la majeure partie des cas la distanciation requise par la plupart des formes de représentation culturelle. En maintenant le contrôle de cette conversation, ils peuvent paradoxalement l’abandonner et le reprendre quand il le faut, créant ainsi l’illusion d’un rapport d’intimité, d’échange et de réciprocité entre le public et eux-mêmes. Cet article pose les premiers jalons d’un cadre permettant de comprendre le monologue humoristique dans la relation qu’il entretient avec les genres folkloristiques en considérant en premier lieu l’intimité et non l’humour.

[p. 153-180]

Joy FRASER

Performing Tradition and Ethnicity at the Newfoundland St Andrews Society Burns Supper

Cet article explore les conceptualisations contradictoires de la tradition et de l’ethnicité, telles qu’elles sont représentées lors de la célébration annuelle à St John’s (Terre-Neuve) de l’identité écossaise : le dîner Burns de la Newfoundland St Andrew’s Society. En premier, on discute de l’importance que revêtent les notions de maintien de la tradition et de la célébration de l’ethnicité pour les organisateurs de l’événement ainsi que pour les participants. L’article s’attache ensuite en détail à deux représentations de Christopher et Michael Pickard, poètes et artistes locaux qui furent les invités d’honneur de l’événement de janvier 2007. Ces représentations encodent des comportements sensiblement différents allant à l’encontre de la tradition et de l’ethnicité comparativement à ceux qui sont à la base du Burns Supper dans son ensemble. L’analyse des représentations des frères Pickard permet d’examiner les tensions générées quand ces deux perspectives contradictoires se confrontent dans le contexte d’un événement public comme le Burns Supper. Cela permet également d’élucider des questions plus vastes liées à la tradition et à l’ethnicité mises en jeu lors du déroulement de l’événement.

[p. 181-200]

Pat BYRNE

Past, Present, and Memory. The Ambivalence of Tradition in the Short Stories of Alistair MacLeod

Les nouvelles d’Alistair MacLeod sont largement influencées par la culture traditionnelle des descendants des Écossais qui ont été déplacés à l’origine lors des campagnes d’évacuation des Highlands, et en particulier ceux qui se sont établis à l’île du Cap-Breton. Dans la façon dont il étudie cette culture, cependant, MacLeod développe une tension ambivalente entre le passé et le présent qui fait en sorte que ses personnages se trouvent pris entre les deux, liés au passé par la mémoire alors qu’ils s’efforcent de s’ajuster aux exigences et à la dure réalité du présent.

[p. 201-214]

Kelly BEST

« Making Cool Things Hot Again ». Blackface and Newfoundland Mummering

Cet article examine d’un point de vue critique les occurrences de blackface au temps du mummering, à la période de Noël à Terre-Neuve. En réponse à l’appel de Peter Narváez pour une analyse de la culture expressive à l’aide d’approches empruntées à l’ethnologie et aux études culturelles, l’auteure examine les points communs entre ces deux phénomènes culturels. Elle les perçoit comme des tentatives d’élimination des tensions raciales et de classe chez les classes les plus défavorisées vivant dans ces petites villes portuaires bourgeonnantes le long du littoral nord-américain et qui étaient intimement connectées, à l’époque, par les routes maritimes très fréquentées. Elle propose une nouvelle analyse de la tradition qui dépasse le ritualisme inconscient et symbolique pour examiner le mummering dans un contexte historique. À cet effet, elle présente des faits qui mettent à mal les interprétations communément acceptées du mummering de Noël comme une coutume calendaire provenant de l’Angleterre.

[p. 215-248]

Martin LABA

Parsing the Popular. A Communicative Action Approach to Folklore

Cet article examine d’un point de vue critique les occurrences de blackface au temps du mummering, à la période de Noël à Terre-Neuve. En réponse à l’appel de Peter Narváez pour une analyse de la culture expressive à l’aide d’approches empruntées à l’ethnologie et aux études culturelles, l’auteure examine les points communs entre ces deux phénomènes culturels. Elle les perçoit comme des tentatives d’élimination des tensions raciales et de classe chez les classes les plus défavorisées vivant dans ces petites villes portuaires bourgeonnantes le long du littoral nord-américain et qui étaient intimement connectées, à l’époque, par les routes maritimes très fréquentées. Elle propose une nouvelle analyse de la tradition qui dépasse le ritualisme inconscient et symbolique pour examiner lemummering dans un contexte historique. À cet effet, elle présente des faits qui mettent à mal les interprétations communément acceptées du mummering de Noël comme une coutume calendaire provenant de l’Angleterre.

[p. 249-270]