Volume 32-2

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Vol. 32-2 – 2010

Regular Issue

Articles

Habib SAIDI

Introduction

Les relations et interactions entre le tourisme et la culture ont souvent été appréhendées sous l’angle des effets que le premier peut avoir sur la seconde. Cette approche a dominé les études touristiques et les a imprégnées d’une vision dichotomique opposant les visiteurs aux visités, les regardants aux regardés (Urry 1990) et, pour ainsi dire, les touristes aux populations hôtes. Les chercheurs qui ont alimenté ce courant de pensée, se sont intéressés pour la plupart aux touristes, dans la mesure où ils ont essayé de comprendre le tourisme en tant que phénomène de la modernité, propre avant tout aux sociétés occidentales et symptomatique d’une quête de l’authenticité auprès des sociétés non-modernisées (MacCannell 1976, 2001).

À cet effet, les sociétés hôtes n’ont suscité l’intérêt de telles recherches que du point de vue des retombées bénéfiques ou néfastes engendrées par l’industrie touristique. Dans les deux cas, elles ont été présentées comme des sociétés subissant passivement les bienfaits ou les méfaits d’un acteur exogène considéré, surtout sur le plan culturel, destructeur et dévastateur.

Dès lors, nous proposons dans ce recueil d’aller au-delà de cette relation d’opposition binaire entre le tourisme et la culture, en abordant le rôle actif des sociétés d’accueil dans le remodelage de cette relation, voire dans sa redéfinition. Pour ce faire, nous interrogeons les politiques et les stratégies selon lesquelles ces sociétés acquièrent une culture touristique. Il s’agit d’envisager leur volonté d’entreprendre qui résulte de leur ouverture au tourisme et leurs manières de le gérer, pour ne pas dire de le digérer, en l’adaptant aux réalités locales. Nous verrons à travers les articles réunis dans ce numéro thématique que cette dynamique prend appui sur des processus de mise en tourisme de la culture et du patrimoine, mais aussi de mise en patrimoine du tourisme, d’où l’intérêt partagé par les uns et les autres à soulever des questions liées au tourisme culturel et au tourisme patrimonial.

Pour esquisser ces questions, nous proposons un survol des études touristiques à la lumière des principales réflexions qui ont porté sur la culture touristique, le tourisme culturel et le tourisme patrimonial.

 

Culture touristique et touristicité du monde

En paraphrasant Hollinshead (1998), nous pouvons définir le tourisme comme un domaine de marchandisation de la différence et d’interprétation de l’altérité. L’une et l’autre sont consubstantielles de ce qu’on peut appeler une touristicité du monde. Il faut comprendre, par ce néologisme, non seulement les traits et les éléments qui soulignent clairement le caractère touristique d’un objet ou d’une destination, mais aussi les pratiques, les politiques et les stratégies de se promouvoir, de se présenter et de se représenter qui, plus subtilement, structurent et conditionnent une destination au fur et à mesure qu’elle se laisse volontairement envahir par les flux touristiques. Ce faisant, celle-ci acquiert une culture d’auto-esthétisation, pour ne pas dire d’auto-touristification, à la lumière de laquelle elle se magnifie, se maquille, dit sa beauté, affiche ses spécificités et fait profiter le monde de son hospitalité.

Cette culture touristique comprend les expériences, les réflexes, les manières de faire, de se dé-faire et de se re-faire (Hollinshead 2004) que les sociétés d’accueil développent à force d’interagir avec les touristes et de s’exposer au regard de l’autre. Par le fait même, elle reflète les impacts, effets et dynamiques du tourisme en tant que phénomène culturel structuré et structurant. Autant dire que le tourisme constitue un système qui, d’une part, s’organise en fonction d’autres systèmes politiques, économiques et sociaux et qui, d’autre part, organise et met en ordre le monde en interagissant avec ces systèmes (Franklin 2004).

À cet égard, la culture touristique pourrait être appréhendée sous trois déclinaisons. D’abord, en tant que processus de changement et de transformation vécu et assumé par une région territoriale dès lors qu’elle accepte de se convertir en lieu de visite et en objet d’attraction. Ensuite, en tant que miroir à travers lequel s’exprime le statut de cette région comme entité autonome dotée d’un agir propre qui lui permet de se distinguer par rapport à d’autres régions. Enfin, en tant que posture d’ouverture à l’autre et comme manière de voir, de comprendre et de vivre le monde. Sur ce dernier point, il convient de préciser que la culture touristique s’inscrit pleinement dans la durée. Progressivement, le tourisme qu’elle cultive se mue en « forme de vie » (Hepburn 2002) partagée au quotidien par les individus qui adhèrent à cette culture, que ce soit du côté des touristes ou de celui des populations hôtes.

Envisagée sous cet angle, la culture touristique a intéressé les chercheurs qui ont étudié le tourisme en partant d’un point de vue local plutôt que global, c’est-à-dire en mettant plus particulièrement l’accent sur le rôle actif des sociétés d’accueil dans la redéfinition de leur identité culturelle à l’épreuve de la rencontre touristique. Nous nous intéressons ici brièvement à deux auteurs, Michel Picard (1992) et Can-Seng Ooi (2002), qui se sont penchés de près sur ce sujet en publiant respectivement en français et en anglais deux livres portant presque le même titre : Bali : Tourisme culturel et culture touristique et Cultural Tourism and Tourism Cultures. 

Le premier traite des représentations que les Balinais se font de leur culture lorsqu’ils évoquent le tourisme. Ce faisant, il montre que les habitants de cette île indonésienne sont passés progressivement d’une étape durant laquelle ils considéraient leur culture comme étant corrompue, polluée et dégradée à cause de son ouverture au tourisme à une autre où ils la comparaient fièrement à « un capital qu’ils se doivent de faire fructifier » (Picard 1992 : 196) afin d’en tirer le meilleur profit en l’articulant avec le tourisme. En d’autres termes, ils sont passés d’une phase où ils percevaient leur culture en opposition avec le tourisme à une autre où elle lui est devenue intimement liée.

Selon l’auteur, ce changement s’est effectué grâce à une évolution du sens de la notion de « culture touristique » telle qu’interprétée par les Balinais. Faisant l’objet d’une « réhabilitation tacite » (ibid. : 183), celle-ci n’est plus associée au mal autrefois incarné par le tourisme, mais elle est plutôt assimilée à « un état d’esprit approprié au tourisme et qualifie désormais une culture qui a su s’adapter aux touristes et à leurs exigences » (ibid. : 183). Au vu de cette approche balinaise, la culture doit profiter au tourisme. De même, le tourisme doit assurer une renaissance renouvelée de la culture en renforçant sa vivacité et son dynamisme par les défis qu’il lui impose. Ainsi peut-on paraphraser Michel Picard pour dire qu’en devenant culturel le tourisme prépare le terrain pour la culture afin qu’elle devienne à son tour touristique; non seulement en épousant le tourisme, mais surtout en l’adaptant aux réalités locales.
Le second livre repose sur une étude comparative articulée autour du rôle des guides touristiques locaux dans la médiation du tourisme culturel à Copenhague et à Singapour. L’auteur appréhende ainsi le tourisme dans une optique globale à partir de deux réalités locales distinctes. Il inscrit sa réflexion dans une perspective dialogique, prenant appui sur la tension qui résulte de l’interaction entre les deux processus de décentrement et de recentrement de la culture dans un contexte touristique.

Can-Seng Ooi postule que la culture ne peut être saisie comme système complexe en dehors du contexte historique et social dans lequel elle évolue. Elle est composée d’objets culturels combinant des aspects tangibles et intangibles. De plus, elle repose sur une authenticité propre qui fait son aura et lui confère un pouvoir magnétique attirant le regard de l’autre. Toutefois, ce regard a tendance à ignorer les dimensions immatérielles des objets et des lieux visités. Il se limite en effet à leurs formes matérielles, lesquelles sont souvent accentuées et embellies conformément aux standards touristiques, ce qui produit un décentrement de la culture. Il s’agit d’un processus qui sous-tend la mise en tourisme de celle-ci, plus précisément sa mise en scène par sa re-présentation (ibid. : 22) sous forme de produits culturels symboliquement emballés et destinés à la consommation touristique.

À cet effet, le décentrement de la culture est continuellement accompagné de son recentrement. En d’autres termes, les deux processus sont imbriqués l’un dans l’autre et fonctionnent en mode dialogique. En ce sens, le recentrement consiste en la « ré-introduction » (ibid. : 24) de l’aura et des éléments culturels intangibles dans les produits du tourisme culturel. Il repose sur le triple principe de sélection, d’accentuation et d’esthétisation (ibid. : 25) de ces éléments afin de les rendre accessibles aux touristes. Selon l’auteur, cela constitue en grande partie l’essence du travail des médiateurs culturels qui, pour combler le fossé entre le local et le global, doivent maîtriser les procédés techniques, scientifiques et professionnels qui leur permettent de rapprocher les touristes du sens profond de la culture et non seulement de ses significations superficielles.

 

Du tourisme culturel au tourisme patrimonial

Cette lecture rapide des deux livres permet d’avancer deux idées principales qui marquent de nos jours les études touristiques et qui seront développées dans presque tous les articles de ce numéro. La première envisage la culture touristique en tant que dynamique locale d’adaptation et d’appropriation d’un phénomène global, en l’occurrence le tourisme; dynamique qui est par le fait même constitutive de la relation avec l’autre et du regard porté sur soi et sur le monde. Autant dire que la culture touristique devient de plus en plus déterminante dans la production des images que les sociétés hôtes entretiennent et projettent tant par le discours promotionnel qui s’adresse aux touristes qu’à travers les récits mémoriels renvoyant au passé et à soi-même (Saidi 2008).
Comme il sera expliqué plus loin dans ce texte et dans les articles suivants, c’est un constat qui vaut pour les destinations touristiques qui cherchent à rayonner par leur patrimoine culturel. Ces destinations mettent ainsi en évidence des attraits patrimoniaux susceptibles de servir, d’une part, de marqueurs touristiques et d’outils de démarcation à l’échelle internationale et, d’autre part, d’emblèmes de fierté et de moyens d’intégration et de cohésion au sein des communautés locales.

La deuxième idée concerne le double statut du tourisme culturel, considéré d’abord comme un domaine d’activités multiformes qui incarnent la culture du tourisme en reflétant ses défis et ses enjeux locaux et globaux; ensuite en tant que produit culturel qui prend naissance dans le sol historique d’où il est issu. Il traduit et condense les expériences et les savoir-faire de ses dépositaires, les compétences et les expertises de ses médiateurs et de ses artisans, sans être uniquement soumis aux visions prédéfinies et standardisées de ses consommateurs potentiels, à savoir les touristes. Rappelons à ce propos que le tourisme culturel a été le plus souvent étudié sous l’angle des attentes, des motivations et des perceptions de ces derniers (Stylianou-Lambert 2011), qui fréquentent exclusivement ou partiellement les monuments historiques, les sites patrimoniaux et les activités culturelles.
Il s’agit d’une approche qui s’est développée dans la foulée des études louant le profil d’un touriste intelligent, équitable, solidaire avec les sociétés d’accueil, pour ainsi dire différent de celui qui faisait le prototype du touriste de masse. Elle trouve ses origines, entre autres, dans le discours prescrit par les organisations internationales non gouvernementales. Pensons notamment à l’UNESCO et aux organismes comme l’ICOMOS, l’ICOM, l’ICCROM, dont le regard des experts a souvent orienté celui des touristes, voire des populations locales (Smith 2006). Dans plusieurs pays du monde, ces regards ont présidé aux politiques de conservation et de préservation des ressources culturelles dans une perspective d’exploitation touristique. Le tourisme culturel était ainsi investi en termes d’objets authentiques à contempler par les touristes ou sous forme de lieux objectivant un passé révolu.

 

Patrimonialisation et touristification

Un facteur majeur a ajouté à cette vision exotique du tourisme et de la culture une autre perspective plus endotique. Celle-ci émane d’une implication plus engagée des communautés locales dans la mise en valeur de leur culture par l’intérêt qu’elles portent au patrimoine. Ce facteur a consisté en la patrimonialisation, un processus de reconnaissance du passé suivant des modes d’exploitation sociaux et politiques du patrimoine. L’objectif primordial de cette démarche est d’assurer la cohésion entre les membres d’un groupe réclamant l’appartenance à un temps fondateur commun ainsi que l’adhésion à des idéaux collectifs, qu’ils soient nationaux, ethniques ou religieux. Sur le plan touristique, la patrimonialisation est envisagée, d’une part, en tant que modèle de conversion des ressources culturelles locales en produits globalisés (Inglis et Holmes 2003), et, d’autre part, comme champ de bataille d’un nationalisme qui se veut ouvert à l’autre dans un contexte de globalisation  (Poria et Asworth 2009).

Ce double processus de nationalisation et de touristification prenant appui sur le patrimoine a favorisé le développement du tourisme patrimonial comme champ d’activités alternatif au tourisme culturel. Non seulement parce qu’il se situe en amont et en aval de toute politique du patrimoine, mais aussi parce qu’il permet aux sociétés hôtes de porter un regard intérieur et extérieur sur leur culture. Il les pousse en fait à se redéfinir en se positionnant continuellement au confluent de l’imaginaire national qu’elles véhiculent et de l’imaginaire touristique dont elles font l’objet.

À cet effet, les articles réunis dans ce recueil appréhendent le tourisme patrimonial en mettant un double accent sur le regard, les attentes et les motivations touristiques, de même que sur les pratiques, les politiques et les stratégies des acteurs locaux du tourisme et du patrimoine. Dès lors, l’objectif commun de ces textes sera d’étudier comment le tourisme entraîne les sociétés d’accueil à revisiter leurs cultures respectives de l’intérieur, et non seulement de l’extérieur. D’où l’intérêt pour les uns et les autres de traiter des processus de touristification et de patrimonialisation relatifs à certaines régions du monde où des sociétés hôtes doivent faire face à ce défi.

Dans cette optique, Julie M.-A. LeBlanc et Vivianne LeBlanc portent un regard croisé sur trois sites touristiques situés dans trois continents différents, à savoir le Masaï Mara au Kenya en Afrique, l’Uluru-Kata Tjuta en Australie et le parc national des Monts-Torngat au Canada. Elles examinent les politiques culturelles et touristiques propres à chacune de ces régions en analysant plus particulièrement les programmes de gestion des ressources culturelles visant à soutenir les démarches communes de nationalisation et de touristification du patrimoine. Dans une pareille perspective comparative, Muriel Girard traite des aspects saillants de la culture touristique dans les villes de Fès et d’Istanbul. Elle prend pour objet de recherche les pratiques et les discours des guides en étudiant la culture touristique

« comme clé de lecture pour saisir certaines ambivalences identitaires auxquelles le tourisme donne lieu ou qu’il met au jour ». À partir d’une recherche semblable, interrogeant le travail des acteurs locaux du tourisme, Sylvie Sagnes se penche sur la popularité d’une guide dont le nom, Colette, devient associé à celui de l’église, la Rotonde, qu’elle présente. En portant une attention particulière à ce personnage stratégique de la scène touristique du village de Rieux en France, l’auteure évoque l’un des aspects des plus importants de la culture touristique, celui des savoir-faire acquis par certains médiateurs touristiques chevronnés, mais aussi sacralisés et monumentalisés, donc représentant en soi un patrimoine vivant à transmettre aux leurs et aux autres.
Laurent Sébastien Fournier s’intéresse à ce qu’il appelle un « processus de requalification » d’un produit de terroir; processus qui assure le « le passage de la mise en patrimoine à la mise en tourisme ». Dans cette optique, il analyse des événements festifs organisés en France, mettant en scène les produits oléicoles destinés à des touristes locaux et internationaux. A travers l’exemple de l’oléiculture, l’auteur examine les problèmes et les enjeux qui président à la patrimonialisation-touristification des patrimoines ethnologiques.

Ana Lucia Araujo propose une réflexion sur la mise en tourisme de la mémoire de l’esclavage à travers l’étude du tourisme diasporique, d’une part, tel qu’il est géré par les pays africains d’où sont partis historiquement des esclaves et, d’autre part, tel qu’il est vécu et pratiqué par les touristes américains et brésiliens descendant de ces esclaves. L’auteure porte son attention sur les festivals, monuments et musées célébrant cette mémoire, ce qui lui permet d’étudier les modalités selon lesquelles ces deux catégories d’acteurs revivent, réactualisent et revisitent le passé.

Séverine Rey traite du patrimoine religieux dans une triple perspective touristique, politique et identitaire. À partir d’une étude sur le monastère Agios Rafaíl, à Lesvos en Grèce, en tant qu’attraction touristique, l’auteure aborde les enjeux et les procédés de mise en scène de l’histoire, locale, régionale et nationale. Elle démontre comment ce site touristique fournit « un cadre révélateur pour analyser les pratiques et les discours qu’une société élabore à l’attention de ses visiteurs et qui indiquent plus généralement comment elle se (re)présente ».

Magali Demanget réfléchit quant à elle sur ce qu’elle appelle un « tourisme dissident ». Il s’agit d’un concept qu’elle développe en explorant le processus d’appropriation politique du tourisme néo-chamanique dans les hautes terres des Indiens mazatèques du Mexique. L’auteure s’interroge sur l’insertion du tourisme dans les démarches de revendication identitaire adoptées par les autochtones. Pour ce faire, elle s’attarde sur le processus de néo-touristification du chamanisme qui conduit les Mazatèques à mettre de l’avant les marqueurs visibles de leur culture.

Dans une note de recherche explorant le tourisme diasporique en Italie, Laura Sanchini étudie trois types de voyages touristiques effectués par des montréalais d’origine italienne dans leur pays de provenance. Il s’agit d’excursions de jeunes écoliers, de visites familiales et de séjours de longue durée. À travers ces trois cas, l’auteure examine  les récits qui découlent de ces visites et qui contribuent à la construction des autoreprésentations ethniques et culturelles de ces Italiens montréalais.

Références

Franklin, Adrian. 2004. « Tourism as an Ordering: Towards a New Ontology of Tourism ». Tourist Studies 4 (3) : 277-301.

Hepburn, Sharon. 2002. « Touristic Forms of Life in Nepal ». Annals of Tourism Research 29 (3) : 611-630.

Hollinshead, Keith. 1998. « Tourism, Hybridity, and Ambiguity: The Relevance of Bhabha’s ‘Third Space’ Cultures ». Journal of Leisure Research 30 (1) : 121-156.

————–. 2004. « Tourism and New Sense: Worldmaking and Enunciative Value of Tourism ». Dans Michael Hall et Hazel Tucker (dir.). Tourism and Postcolonialism: Contested Discourses, Identities and Representations: 24-42. Londres et New York: Routledge.

Inglis, David et Mary Holmes. 2003. « Highland and Other Haunts: Ghosts in Scottish Tourism ». Annals of Tourism Research 30: 50-63.

MacCannell, Dean. 1976. The Tourist: A New Theory of the Leisure Class. New York: Schocken Books.
————–. 2001. «Tourist Agency ». Tourist Studies 1 (1): 23-37.

Ooi, Can-Seng. 2002. Cultural Tourism and Tourism Cultures: The Business of Mediating Experiences in Copenhagen and Singapore. Copenhagen: Business School Press.

Picard, Michel. 1992. Bali: Tourisme culturel et culture touristique. Paris : L’Harmattan.

Poria, Yaniv et Gregory Asworth. 2009. « Heritage Tourism-Current Resource for Conflict ». Annals of Tourism Research 36 (3) : 522-525.

Saidi, Habib. 2008. « When the Past Poses Beside the Present: Aestheticising Politics and Nationalising Modernity in a Postcolonial Time ». Journal of Tourism and Cultural Change 6 (2): 101-119.

Smith, Laurajane. 2006. Uses of Heritage. New York: Routledge.

Stylianou-Lambert, Theopisti. 2011. «Gazing from Home: Cultural Tourism and Art Museums ». Annals of Tourism Research 38 (2): 403-421.

Urry, John. 1990. The Tourist Gaze: Leisure and Travel in Contemporary Societies. London: Sage.

[pp. 5-14]

Julie M.-A. LEBLANC, Vivianne LEBLANC

National Parks and Indigenous Land Management : Reshaping Tourism in Africa, Australia and Canada

Les touristes prennent des décisions qui influent sur les lieux qu’ils visitent. D’un point de vue économique et de développement, le tourisme est devenu une formidable opportunité pour la plupart des pays, mais ceux-ci doivent faire face au défi de le développer à travers des politiques spécifiques qui façonnent les expériences de visite. Ces expériences sont essentielles pour évaluer comment, par et pour qui le territoire est développé et géré. Cet article explore trois études de cas à travers trois continents: le Maasai Mara en Afrique de l’Est, le site Uluru-Kata Tuta en Australie et les monts Torngat, parc national du Canada. Les exemples africains et australiens sont basés sur l’observation participante des auteures sur le terrain et le cas des monts Torngat est un exemple de ce que pourrait devenir la nouvelle réserve du parc national du Canada et la prévision de son éventuel impact sur le tourisme. L’analyse critique est particulièrement importante pour comparer l’approche du développement et des politiques de gestion des terres du point de vue de l’expérience du touriste. Le but de cet article est d’illustrer les différentes politiques de planification impliquées dans la reconnaissance, la nationalisation et la mise en tourisme de sites du patrimoine ainsi que la création des identités fondées sur des territoires locaux. Plus précisément, en mettant l’accent sur l’expérience touristique, nous tentons de découvrir la nature de la théorie et la pratique dans la gestion autochtone, privée et publique des territoires pour l’exploitation touristique.

[p. 23-58]

Muriel GIRARD

Imaginaire touristique et authenticité à Fès et Istanbul

L’article interroge l’authenticité fabriquée par les guides touristiques et, en retour, les impressions des touristes, pour enfin questionner les ambivalences identitaires liées au tourisme. L’étude montre ainsi l’attitude contrastée des guides, entre recours aux stéréotypes associés à l’Orient à Fès et tentative de changer les représentations des touristes pour proposer d’autres versions de l’authenticité à Istanbul. Dans ce contexte, l’artisanat apparaît comme une figure équivoque de la mise en scène de l’authenticité. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’imaginaire véhiculé par le guide ne converge qu’imparfaitement avec l’expérience vécue des touristes, basée sur des émotions multiples.

[p. 59-80]

Sylvie SAGNES

Suivez le guide … De l’Autre à soi, ou comment devenir monument

A Rieux, autochtones et touristes en conviennent : « Ici, il y a deux monuments : l’église et Colette », à savoir un joyau de l’art roman et celle qui en assure la visite. Quoiqu’anecdotique, la « monumentalisation » de Colette a pourtant le mérite de donner à voir, inversé, le processus qui habituellement fait du guide l’agent sacralisant et du monument l’objet sacralisé. Elle nous invite à nous pencher sur ce personnage stratégique de la scène touristique, à l’exacte interface entre visiteurs, patrimoine et société locale, et, à l’appui d’une ethnographie localisée, à tenter d’en comprendre le rôle.

[p. 81-102]

Laurent Sébastien FOURNIER

Mise en tourisme des produits du terroir, événements festifs et mutations du patrimoine ethnologique en Provence (France)

Cet article s’intéresse au passage de la reconnaissance d’un patrimoine ethnologique à sa mise en tourisme. L’exemple de l’oléiculture est privilégié ici en raison de l’engouement contemporain mondial pour les produits liés à l’olivier (Olea europaea l.). Des événements festifs mettant en scène les produits oléicoles à l’intention de nouveaux publics essentiellement touristiques et urbains sont d’abord observés et décrits. Il s’agit ensuite d’étudier les processus de requalification qui accompagnent le passage de la mise en patrimoine à la mise en tourisme, sur un plan à la fois spatial, social, symbolique, et sensoriel.

[p. 103-144]

Ana Lucia ARAUJO

Welcome the Diaspora : Slave Trade Heritage Tourism and the Public Memory of Slavery

L’article examine l’émergence de la mémoire publique de l’esclavage et de la traite atlantique des esclaves dans la République du Bénin, en soulignant le rôle crucial de la patrimonialisation de l’esclavage dans le développement de l’industrie touristique locale. L’article montre que l’expansion de la mémoire publique de la traite des esclaves au Bénin ne fut pas une entreprise isolée et que des initiatives similaires furent également développées dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Il discute aussi de l’articulation des mémoires plurielles de l’esclavage avec les attentes des touristes afro-américains et afro-caribéens, qui constituent le public cible des projets de promotion du patrimoine culturel de la traite atlantique des esclaves et du tourisme des racines. L’article conclut que le tourisme patrimonial de l’esclavage a aidé à placer le Bénin au rang des destinations touristiques internationales de la traite atlantique, mais en contrepartie il a aussi contribué à mettre en évidence les mémoires plurielles de l’esclavage et à transformer les patrimoines matériel et immatériel africains en objets de consommation.

[p. 145-178]

Séverine REY

Quand pèlerinage et tourisme se mêlent. La fabrication du patrimoine à Lesvos (Grèce)

L’analyse de la construction d’un monastère à Lesvos (Grèce), dans les années 1960, consacré à des saints « nouvellement apparus », souligne les liens entre pèlerinage et tourisme. L’article étudie les débats suscités par la fabrication de ce patrimoine: au-delà du support à la foi des fidèles, il est au cœur de discussions portant tantôt sur les choix architecturaux, tantôt sur l’authenticité d’une région et la manière de la représenter. Enfin, le cas de ce monastère offre l’occasion de réfléchir sur la question de la mise en scène de l’histoire locale et nationale.

[p. 179-198]

Magali DEMANGET

Aux sources d’une communauté imaginée : Le tourisme chamanique à Huautla de Jimenez (Indiens mazatèques, Mexique)

Longtemps considéré comme un agent corrupteur de traditions, le tourisme peut aussi être un moyen employé par les minorités pour construire une appartenance positive. Dans cet article, nous abordons le processus qui a conduit à l’appropriation politique, dans les hautes terres des Indiens Mazatèques, d’un tourisme dissident centré sur l’expérience néo-chamanique. Comment les autochtones ont-ils intégré le regard touristique dans la construction d’une communauté imaginée, qui puise ses symboles simultanément dans les coutumes vernaculaires et dans l’invention d’une néo-indianité ? Quelles relations ce processus d’ethnogenèse entretient-il avec l’émergence nationale de la nouvelle image d’un Indien vivant – et plus seulement archéologique ?

[p. 199-232]

Laura SANCHINI

Visiting La Madre Patria : Heritage Pilgrimage Among Montreal Italians

Cet article traite des voyages en Italie entrepris par de jeunes Italiens de Montréal. Nous les avons divisés en trois catégories: le voyage scolaire, le séjour de longue durée et la visite dans la famille. Ces voyages permettent aux jeunes Canadiens de développer leur identité italienne à divers niveaux. Le voyage scolaire est une occasion de vivre une expérience touristique, alors que le séjour de longue durée leur donne un aperçu des réalités de la vie quotidienne italienne. Le séjour chez les proches de la famille permet de retracer leur histoire familiale et de découvrir les lieux d’origine de leurs parents. Ces voyages et les récits qui les accompagnent constituent des repères identitaires pour ces jeunes Italiens montréalais ainsi qu’un outil de sensibilisation culturelle.

[p. 235-253]

Doreen FUMIA

Divides, High Rise and Boundaries. A Study of Toronto’s Downtown East Side Neighbourhood

Les actes de domination ne sont pas toujours faciles à identifier et, a posteriori, les bonnes intentions à l’issue de la Seconde Guerre mondiale de modifier le zonage et le développement des hautes tours « garden city » n’ont pas servi les pauvres immigrants racialisés. Tandis que la population pauvre des quartiers Est du centre-ville de Toronto n’a pas profité du renouvellement urbain de l’après-guerre, la classe moyenne en a profité, mais seulement parce qu’elle a réuni les ressources nécessaires afin de bloquer le zonage qui permettait la construction des tours. Il en résulte dans ce secteur une concentration de maisons de style victorien parmi les mieux conservées au Canada. Cet article interroge la rationalisation de l’après-guerre et la déclaration suivante, ainsi que la résistance à celle-ci : « ce n’est pas le droit de 3000 personnes pauvres de vivre en ville ».

[p. 257-290]