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Vol. 26-2 – 2004
Regular Issue
L’année 2004 marque le soixantième anniversaire de la création de la Chaire de folklore à l’Université Laval et de ses archives (aujourd’hui AFEUL) qui ont assuré une grande part de l’enseignement et de la recherche en ethnologie au Québec. En juin 2003, une autre chaire de recherche a vu le jour, cette fois définie en patrimoine ethnologique. En près de soixante ans, l’ethnologie s’est développée progressivement et a évolué en diverses directions qui sont tantôt inhérentes aux acteurs de la recherche, tantôt à celles de l’enseignement, tantôt à celles de la diffusion.
Si le cinquantième anniversaire a été l’occasion de faire le point sur la discipline dans une perspective comparative Europe et Amérique du Nord1, il nous a paru indispensable de faire, dix ans plus tard, un bilan de cette discipline au Québec, nommément désignée depuis 1993 par le terme « Ethnologie du Québec », conformément à la décision prise dans le monde francophone après le symposium international à Amsterdam en 19552. Plusieurs chercheurs ont déjà publié des bilans historiques rigoureux qui révèlent des constats dont les scientifiques ont tiré profit. Mais nous nous proposons cette fois, et à la suite des bilans historiographiques qui ont été établis à diverses périodes, de faire le point et de porter un regard sur l’ethnologie au Québec, particulièrement à l’Université Laval qui constitue l’un des principaux pôles de son développement scientifique.
D’entrée de jeu, nous pouvons affirmer que l’évolution de l’ethnologie est aussi en lien avec le développement des sciences humaines et sociales en général et à travers le monde, et que certains acteurs de la scène universitaire et scientifique ont contribué par leurs positions théoriques, leurs recherches ou leurs avancées à définir l’ethnologie telle que nous la pratiquons aujourd’hui. Il n’est pas question de traiter de tous les acteurs dans ce numéro, trop bref pour proposer une véritable synthèse de la discipline. Il s’agit néanmoins d’identifier ceux qui en ont particulièrement marqué le développement, ainsi que de mettre en perspective, depuis les premiers folkloristes jusqu’aux ethnologues contemporains, répartis entre les deux parties de ce volume, quelques balises qui permettront, nous l’espérons, de mieux déterminer les orientations et les parcours de la discipline, de pousser plus loin encore notre réflexion : pourquoi une étude du proche ? Quel rôle le folkloriste ou l’ethnologue jouent-ils dans notre société ? Il s’agit aussi de situer en contexte les sujets, les études — tradition, chanson, objet matériel, autres faits culturels contemporains —, les terrains et les approches, afin de mieux déterminer les orientations et le parcours de la discipline au Québec ; de rendre compte des divers apports scientifiques qui ont fait passer les études traditionnellement portées sur le monde rural et la transmission verticale à des études sur les individus et leurs interactions avec les membres de leur communauté dans le monde contemporain.
À l’opposé de l’ethnologie classique, telle celle qui s’est pratiquée au Québec jusqu’au milieu des années 1980, l’ethnologie des années 2000 est bien une ethnologie plurielle, au carrefour des sciences humaines. Déjà dans la décennie 1990 on voit poindre, dans les études et les recherches de la discipline, cette orientation qui s’inscrit tout à fait dans une tangente généralisée en sciences humaines et sociales. Plusieurs symptômes permettent de corroborer ce constat, à commencer par le malaise « chronique » qui consiste à définir l’ethnologie par rapport aux autres disciplines, non pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle n’est pas, et qui aboutit depuis des années à une impasse. Accepter l’idée que la discipline est plurielle, qu’il y a des « ethnologies », participe du décloisonnement des sciences humaines et sociales en même temps qu’elle signifie une ouverture vers l’avenir où plusieurs approches se côtoient dans le développement des connaissances en poursuivant un but commun. Chacune sa place, son rôle, ses forces, sa compétence, ses méthodes, mais au profit de la communauté scientifique pour un métissage et une complémentarité des approches théoriques. Pour être à l’aise avec cette idée d’une ethnologie plurielle comme voie de l’avenir, il faut admettre que la « science » transcende les « disciplines ». Or cette idée ne saurait se comprendre sans un examen approfondi du parcours de l’ethnologie au Québec.
Ce numéro porte donc sur deux axes. Le premier s’attache à percevoir la conception de la discipline chez les premiers folkloristes québécois, leur manière de concevoir la tradition, leur approche de domaines comme les coutumes, la littérature orale, l’objet, la chanson traditionnelle, etc. Marius Barbeau tout d’abord, fondateur de la discipline au Canada, que Christine Bricault et Anne-Marie Desdouits présentent dans sa double appartenance de premier anthropologue au Canada et premier folkloriste au Québec et dont la conception du folklore présente des côtés bien modernes ; ses deux principaux disciples — Luc Lacourcière à qui l’Université Laval confie la direction d.une Chaire de folklore3 en 1944 et Carmen Roy, un des bras droits de Barbeau à Ottawa, dont Dominique Sarny, co-auteur de cet article, essaie « de comprendre le rôle que cette femme a pu jouer dans le développement de la discipline » au Canada, créant dix ans avant la politique multiculturaliste du gouvernement fédéral de Pierre-Eliott Trudeau, le Centre Canadien des Études sur la Culture Traditionnelle (CCECT). Le deuxième article fait état du parcours de Madeleine Doyon, secrétaire aux Archives de folklore de 1945 à 1955, qui s’inscrit tout à fait dans le courant des études menées par « l’École des archives » dont elle est membre à part entière. Jocelyne Mathieu montre à quel point la diversité des objets d’étude et les recherches de cette femme, pourtant profondément empreinte du contexte idéologique de l’époque, ont malgré tout fait d’elle une pionnière. L’ambiguïté qu’a pris le terme « folkloriste » au fil des années, au Québec comme en Europe, est mis en lumière par Mathieu Perron dans l.article où il se penche sur Jacques Labrecque, « diffuseur de la chanson folklorique québécoise ». Son analyse des rapports de ce chanteur avec Luc Lacourcière mais aussi, à travers ce dernier, avec toute la conception scientifique du mot folklore à laquelle reste très attachée l.École des archives, pose bien la question qui finit par meubler les insomnies de Lacourcière : « to be or not to be [a] folklorist, le problème d’une appellation ».
Robert-Lionel Séguin enfin, dont la quête dune identité culturelle passe par une autre voie : l’étude du cadre de vie matériel des francophones d’Amérique du Nord (et non plus la recherche des origines françaises à travers la littérature orale et les coutumes, orientation qui guide en partie l’École des archives). En « revisitant » son oeuvre, Yves Bergeron met aussi en relief le rôle avant-gardiste de trait d’union que Séguin jouera entre les trois disciplines dont il se réclame : l’histoire, l’ethnologie et la muséologie à laquelle l’a mené sa passion de collectionneur d’objets anciens. Si nous nous arrêtons sur cette période de la discipline, marquée à la fois par les débats idéologiques des folkloristes français et par le courant nationaliste des années 1930-1960 au Québec, c’est qu’il est indispensable de porter un regard historique et critique sur cette période qui non seulement a donné le coup d’envoi aux études du folklore, mais a aussi marqué le monde intellectuel québécois. Dans un deuxième temps, nous proposons d’explorer l’évolution de la discipline de la deuxième génération des folkloristes, c’est-à-dire des trente dernières années, tant dans les domaines et objets d’étude que dans les approches méthodologiques et théoriques. Aucune critique systématique n’a encore été faite sur la période allant des années 1980 jusqu’à l’époque contemporaine. Aussi est-il important d’essayer d’en faire le point et de comprendre le caractère pluriel de la discipline telle que nous la pratiquons aujourd’hui au Québec.
Martine Roberge retrace à grands traits le contexte et l’évolution de la discipline jusqu’aux années 1970, mais c’est surtout sur la période des trente dernières années qu’elle se penche. La recherche doctorale de Jean-Claude Dupont sur Les traditions de l’artisan du fer dans la civilisation traditionnelle au Québec, soutenue en 1975, et la création du Célat (Centre d.études sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones d’Amérique du Nord), en 1976, donnent le coup d’envoi d’une « nouvelle recherche fondamentale qui ne se satisfait déjà plus des compilations, inventaires et typologies axés sur l’analyse comparative ». Son examen critique de la production scientifique des acteurs depuis cette époque met bien en lumière l’orientation multidisciplinaire que prend désormais la discipline. Le titre même de la présente revue — Ethnologies — adopté par l’ACEF depuis 1998, en est la marque concrète. La discipline « quitte définitivement l’impasse dans laquelle elle s’enlisait ». L’ethnologie des années 2000 est résolument plurielle.
Les objets d’étude ne sont plus nécessairement les mêmes et, dans le courant du postmodernisme, sont remises en question les affirmation et les approches des années précédentes. Comme les autres disciplines qu’elle côtoie, elle s’ouvre à de nouvelles approches, de nouveaux concepts, qui lui permettent d’explorer de nouveaux terrains. Ainsi David Harvengt étudie-t-il les bals de finissants et les initiations universitaires, deux événements du monde « scolaire » contemporain souvent associés à des rites de passage construits selon le schéma de van Gennep. Mais la lecture qu’il en fait va bien au-delà. L’analyse qu’il propose dans cet article, à la lumière cette fois des concepts d’Erwing Goffman, s’attache particulièrement à tous les acteurs en jeu lors de ces événements, aux rites d’interaction qui se nouent entre eux, aux relations qu’ils entretiennent avec leur environnement. Marcel Bénéteau examine pour sa part le rôle de la chanson traditionnelle comme marqueur d’identité culturelle dans deux populations voisines de la région de Détroit. La date de leur implantation sur des territoires pourtant voisins, mais à un siècle d’écart, la provenance de cette population — la France à partir de 1701 pour les premiers, le Québec de la seconde moitié du XIXe siècle pour les seconds — est encore très lisible, à la fin du XXe siècle, dans le type de chansons folkloriques qu’ils connaissent. L’auteur de l’article met bien en évidence, à travers leurs corpus de chansons traditionnelles, le lien qui existe entre identité culturelle et occupation du territoire.
L’analyse de Madeleine Pastinelli porte cette fois sur un objet d’étude non seulement très contemporain, mais aussi bien singulier, non-spatialisé : la socialisation d’internautes au moyen d’un canal de bavardage francophone. Ceci l’amène à soulever des problèmes inhérents à ces terrains contemporains et, en particulier, dans cet article, à « remettre en question la manière dont on appréhende certaines [des] frontières [entre] une multitude de disciplines qui partagent souvent leurs méthodes […], se rencontrent, se croisent ou se superposent ».
Deux notes de recherche, enfin, abordent des sujets au coeur du quotidien et font part d’observations et de réflexions quant à une première prise de contact avec le terrain et ses acteurs : Karine Laviolette examine comment des minorités francophones élaborent des stratégies qui allient économie et valorisation de leur identité culturelle en développant leur patrimoine culturel, celui que représente le tourisme francophone dans une province très majoritairement anglophone. D’autre part, la popularité des « ventes de garage », qui invitent toujours un grand nombre d’acheteurs, surtout au printemps, à l’époque du « grand ménage », a aiguisé la curiosité scientifique de Geneviève Saint-Jacques Thériault. Ses nombreuses participations à de telles activités lui permettent d’observer et d’analyser à quelles stratégies font appel vendeurs comme acheteurs, dans ces situations d’échanges marchands qui sont tout à la fois forme d’économie informelle, ensemble de rites festifs et matière à rapports sociaux.
Nous souhaitons que cet aperçu, nécessairement succinct, sur l’évolution de la discipline, aiguise lui aussi votre curiosité ; que les articles ici présentés vous invitent à regarder et étudier le monde contemporain, particulièrement celui dans lequel nous vivons au quotidien, avec ce regard ethnologique qui cherche à comprendre les logiques qui sous-tendent « l’ensemble des rapports symbolisés, institués et vécus entre les uns et les autres à l’intérieur d’une collectivité que cet ensemble permet d’identifier comme telle » (Augé 1994 : 10).
Notes
1. Lors du colloque international qui s’est tenu à Québec en octobre 1994, suivi de la publication des actes de ce colloque : Ethnologies francophones de l’Amérique et d’ailleurs (Desdouits et Turgeon 1997).
2. « Constatant la confusion qui résulte en général de l’emploi de qualifications nationales inséparablement liées à la tradition scientifique de chaque pays, ou école — telles que ethnologie, ethnographie, Volkskunde, folklore, folkmine, etc., les experts se sont accordés sur la nécessité d’uniformiser la terminologie internationale qui concerne les différentes branches et les différents aspects de la science ayant pour objet l’étude des différentes sociétés humaines et de leur culture. Ils retiennent à l’unanimité pour qualifier cette science sur le plan international le terme d.ethnologie, complété des attributs de régionale ou nationale, chaque fois qu’on voudra de cette façon distinguer l’étude des peuples dits historiques de celle des peuples sans histoire écrite […] Constatant que l’application du terme folklore à toutes les manifestations de la culture d’un peuple engendre des confusions les plus fâcheuses au développement harmonieux de l’ethnologie (dite aussi Volkskunde, etc.), les experts se sont accordés pour recommander à la Commission Internationale des Arts et des Traditions populaires de s’employer à restreindre le terme folklore sur le plan international, au sens de culture spirituelle que lui donnent déjà de nombreux ethnologues, notamment la plupart des spécialistes de la littérature orale. […] Les experts se sont accordés pour recommander que l’ethnologie […] ne se borne pas à étudier les faits passés ou leurs circonstances, mais qu’elle embrasse également les problèmes actuels notamment les aspects psychologiques et sociaux » (cité dans Poirier 1968 : 1334).
3. Plusieurs articles, dont font d’ailleurs mention Christine Bricault et Anne-Marie Desdouits, présentent celui qui a obtenu de l.Université Laval une reconnaissance académique du folklore par la création de cette Chaire et la conception qu.en avait ce chercheur, guidé par les conseils constants de son maître Marius Barbeau.
Références
Augé, Marc, 1994, Le sens des autres. Actualité de l’anthropologie. Paris, Fayard.
Desdouits, Anne-Marie and Laurier Turgeon (dir.), 1997, Ethnologies francophones de l’Amérique et d’ailleurs. Québec, Les Presses de l’Université Laval.
Poirier, Jean (dir.). 1968. Ethnologie générale. Paris, Gallimard.
Les rôles de Marius Barbeau (1883-1969), de Luc Lacourcière (1910-1989) et de Carmen Roy (1919 – ) dans le développement de la discipline au Québec et au Canada ne sont plus à démontrer. À partir de plusieurs sources écrites, cet article se veut une réflexion renouvelée sur la conception du folklore qu’avaient ces trois pionniers de l’ethnologie au Canada et plus spécifiquement de son développement au Québec. L’article s’articule autour de trois axes : le premier laisse entrevoir leurs rapports respectifs à la culture, inscrits dans des contextes où la perception du nationalisme n’était pas la même. Le second aborde plus spécialement leur conception du folklore, tandis que le troisième est davantage centré sur les contacts, les démarches et les méthodes. Cet article permet également « de comprendre le rôle que [Carmen Roy] a pu jouer dans le développement de cette discipline» au Canada, créant dix ans avant la politique multiculturaliste du gouvernement fédéral de Pierre-Eliott Trudeau, le Centre Canadien des Études sur la Culture Traditionnelle (CCECT).
Madeleine Doyon a été associée aux Archives de folklore de l’Université Laval dès leur création en 1944. Pendant plus de 30 ans, elle a mené une carrière d’enseignante et de chercheure au sein du groupe constitué par Luc Lacourcière. Elle fut aussi secrétaire en titre des Archives de folklore de 1945 à 1955. Madeleine Doyon voulait tout saisir de la culture traditionnelle, qu’elle concevait au sens large : depuis les us, coutumes et pratiques, le costume, les jeux et les divertissements, jusqu’aux arts populaires. Son enseignement l’a amenée à développer des outils et des méthodes, pour le travail de terrain en particulier. L’oeuvre de Madeleine Doyon est teintée d’éclectisme et de perfectionnisme. Elle s’avère polyvalente avant l’heure, intéressée par les langues et la littérature, les arts et l’histoire.
Cet article rend compte du parcours de Jacques Labrecque (1917-1995), un diffuseur de la chanson folklorique québécoise. De la fin des années 1930 au début des années 1990, Labrecque chante un répertoire d’inspiration traditionnelle sur plusieurs scènes québécoises et étrangères, délaissant graduellement l’image de l’artiste lyrique au profit de celle d’un personnage coloré évoquant la tradition. Au cours de sa carrière, Labrecque entretient des rapports tantôt étroits et tantôt plus conflictuels avec le milieu artistique, avec l’institution universitaire — dont il s’approprie les travaux — ainsi qu’avec divers organismes gouvernementaux. L’analyse de sa trajectoire met aussi en lumière l’ambiguïté du terme « folkloriste » tel qu’il est utilisé dans l’usage courant pour désigner des chanteurs au profil similaire à celui de Labrecque. Son répertoire est brièvement présenté, de même que son travail d’édition sonore.
L’auteur propose dans cet article de revisiter l’oeuvre de Robert-Lionel Séguin par le biais de trois dimensions fondamentales de sa carrière, celles d’ethnohistorien, de collectionneur et de muséologue. L’examen de ces trois dimensions permet de mettre en lumière les réseaux de chercheurs dans lesquels Séguin s’est inscrit. Cette approche apporte un regard nouveau sur la fortune critique de son oeuvre. À travers ces trois trajectoires, on verra comment Séguin a contribué aux transformations profondes de l’ethnologie entre les années 1950 et 1980 et comment il continue d’influencer ces trois disciplines.
Cet article examine l’évolution de l’ethnologie au Québec, particulièrement à l’Université Laval qui constitue l’un des principaux pôles de son développement disciplinaire, à travers la production scientifique (mémoires, thèses, publications, projets de recherches, etc.), afin d’en identifier les sujets, les orientations et les approches. Si les années 1940 à 1980 ont fait l’objet de plusieurs bilans historiographiques, la période des vingt dernières années (1980-2000) a échappé, jusqu’ici, à une critique systématique. L’évolution de l’ethnologie est liée au développement des sciences humaines et sociales en général ; certains universitaires ont contribué, par leurs positions théoriques, leurs réalisations ou leurs avancées, à définir l’ethnologie telle que nous la pratiquons aujourd’hui. L’examen critique de la production scientifique des deux dernières décennies tend à révéler que, jusqu’au milieu des années 1980, il s’est surtout pratiqué au Québec une ethnologie classique. La période suivante aura tout mis en oeuvre pour que l’ethnologie des années 2000 soit plurielle et résolument multidisciplinaire.
Les bals de finissants et les initiations universitaires sont souvent associés à des rites de passage. Il est cependant possible de les analyser sous un autre angle, celui des interactions. Erving Goffman a été un des plus grands théoriciens des rites d.interaction. Son approche lui a permis d’analyser les interactions sociales dans leur aspect routinier. Cet article propose une lecture des bals et des initiations à travers les concepts de Goffman. Qui sont les acteurs en jeu ? Quelles sont les interactions qui se nouent entre les différents groupes dans ces rites ? Quelles relations entretiennent-ils avec leur environnement ?
Cet article propose une réflexion sur l’évolution de la collecte de faits folkloriques traditionnels sur le terrain. L’auteur a enquêté pendant plus de dix ans sur l’ancien territoire de la colonie du Détroit, c’est-à-dire dans la région de Windsor, à l’extrême sud-ouest de l’Ontario. Étant donné qu’aucun chercheur ne s’était penché sur la tradition orale de cette communauté francophone, la plus ancienne en Ontario, l’auteur voulut d’abord imiter les pionniers de la discipline en collectant les vestiges de la chanson traditionnelle française « avant que tout ne disparaisse ». Mais, en considérant le contexte historique du peuplement de la région et en comparant les résultats d.une étude linguistique sur le même terrain, la collecte de chansons traditionnelles est devenue beaucoup plus qu’une fin en soi. L’article examine donc le rôle de la chanson traditionnelle comme marqueur d’identité culturelle.
En prenant comme espace de réflexion une recherche de terrain menée auprès des internautes qui socialisent dans les espaces d’échange en temps réel d’Internet, cet article propose une réflexion autour de quelques-unes des difficultés que pose la délimitation des frontières théoriques, disciplinaires et épistémologiques dans la pratique des terrains contemporains et de l’ethnologie du proche. Lorsque l’objet d’étude est un terrain non-spatialisé, est-il encore possible (et comment ?) de le circonscrire et de le baliser ? Comment peut-on penser une singularité disciplinaire dans un espace d’investigation où une multitude de disciplines, qui partagent souvent leurs méthodes et leurs a priori épistémologiques, se rencontrent, se croisent ou se superposent ? Enfin, dans quel espace épistémologique l’ethnologue du proche peut-il situer son analyse et sa démarche, alors qu’il enquête dans un univers qu’il partage avec ses participants et en regard duquel ceux-ci ont, bien avant lui, élaboré un ensemble de discours et de lectures permettant de lui donner sens ? À travers un cas concret, l’auteure propose une manière d’appréhender certaines de ces frontières et de circonscrire plus étroitement les questionnements auxquels l’ethnologue du proche et du contemporain doit faire face.
Bien qu’elle soit durement frappée par les effets de l’assimilation, la Saskatchewan compte un nombre important d’associations et d’institutions vouées à la promotion du fait français. Les membres de ces différents organismes commencent à envisager leur patrimoine culturel comme un attrait touristique et élaborent aujourd’hui des stratégies pour attirer les touristes dans leur communauté. Le tourisme est à la fois un outil de développement économique et un moyen de revaloriser l’identité fransaskoise. Cette note de recherche doctorale, issue de premières observations de terrain, tente de cerner la place que les membres de la communauté accordent au tourisme et de comprendre les mécanismes du tourisme dans cette francophonie minoritaire.
S’appuyant sur un terrain mené depuis plus de trois ans dans différentes villes du Québec, cette note de recherche présente les réflexions de Geneviève St-Jacques Thériault sur le phénomène des ventes de garage. Son projet de maîtrise, entamé depuis septembre 2003, vise à comprendre ce que cette activité représente pour les participants, ainsi que les valeurs qui se dégagent de cette pratique. Différents concepts utiles à l’étude de ce phénomène seront abordés : la forme festive et rituelle, l’économie informelle, le jeu et, finalement, les interactions présentes lors de cette activité. Il sera finalement question du marchandage, interaction qui met en place des préoccupations rituelles, économiques et ludiques.
Le programme de recherche de la Chaire de recherche du Canada sur les patrimoines ethnologiques des francophones d’Amérique veut développer le concept de métissage pour faire ressortir les mélanges de l’héritage culturel du Québec et la diversité des cultures de l’Amérique française. Nous voulons mettre l’accent sur le pluralisme, sur le mouvement et sur les mutations. Il n’y a pas une mais plusieurs Amériques françaises, d’où le choix de l’expression francophones d’Amérique. Loin d’être figé, le patrimoine ethnologique des francophones d’Amérique, et le patrimoine en général, est continuellement reconstruit par les contacts, les interactions, et les échanges entre individus et groupes différents. La transmission implique la médiation et l’appropriation, la conservation entraîne la transformation. Le patrimoine découle d’un processus d’hybridité culturelle qui naît d’une dynamique relationnelle entre le soi et l’autre, d’une dialectique de la différence qui permet aux deux entités de se constituer l’une et l’autre. Le patrimoine définit donc un champ interactif qui permet au sujet de se construire. Plus qu’un lieu ou une chose, le patrimoine est un mouvement, un déplacement de l’autre vers soi, l’expression d’un dynamisme. Ce programme propose trois axes de recherche : le premier vise à re-conceptualiser le patrimoine ethnologique en regard du métissage, le deuxième à déconstruire les processus historiques de l’hybridité des patrimoines ethnologiques et le troisième à cerner les enjeux que représentent les métissages du patrimoine ethnologique dans le contexte actuel de la mondialisation.